Moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins
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Moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins

Le 27 juin dernier, parallèlement à la Conférence des Nations Unies sur les océans, organisée conjointement par les Gouvernements kenyan et portugais, Marie Toussaint, députée européenne française, accompagnée de deux autres parlementaires, a annoncé la création d’une alliance mondiale pour s’opposer à l’exploitation minière des fonds marins. 57 représentants de 33 pays ont répondu à cet appel et demandent un moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins. Cette démarche devient urgente, étant donné que des réglementations autorisant cette exploitation pourraient être adoptées dès le mois de juillet 2023.

 

Les enjeux économiques et géopolitiques de l’exploitation minière des océans

Les grands fonds sont des lieux où les ressources minérales abondent, ce qui représente une véritable richesse. On y trouve du fer, du manganèse, du cuivre, du cobalt, du nickel, mais aussi du platine, du zirconium… Ces métaux, dont la demande mondiale est en constante augmentation, sont indispensables pour la fabrication de produits de haute technologie, mais également dans l’industrie verte.

Selon l’économiste Jean-Louis Levet, la consommation mondiale de ces matières premières passera de 80 milliards à 180 milliards de tonnes dans les années 2050. Aujourd’hui, avec la guerre en Ukraine, le constat de notre dépendance pour s’approvisionner en minerais et métaux a montré ses effets pervers et l’importance de la souveraineté sur la détention de ses propres matériaux stratégiques s’est imposée à tous les États.

Enfin, les grands fonds présentent également un intérêt majeur pour les communications mondiales, dont 90 % se font au moyen de câbles océaniques qui doivent être sécurisés, car ils peuvent être coupés ou utilisés pour s’emparer d’informations stratégiques.

 

Le rôle de l’Agence internationale des fonds marins (AIFM)

Cet organisme a pour objectif de « parvenir à une utilisation durable des ressources minérales des grands fonds marins pour le bénéfice de l’humanité ».

En juin 2020, selon son rapport annuel, 30 contrats d’exploration, approuvés pour une durée de 15 ans, étaient en vigueur.

Les dangers de l’exploitation minière des fonds sous-marins soulevés par les sénateurs français

Selon le rapport du Sénat n° 724 fait au nom de la mission d’information sur « l’exploration, la protection et l’exploitation des fonds marins : quelle stratégie pour la France ? », l’exploitation des grands fonds n’est pas sans danger.

Les sénateurs Michel Canévet (Président) et Teva Rohfritsch (Rapporteur) attirent l’attention sur les « risques environnementaux induits par une éventuelle activité anthropique non maîtrisée dans les fonds marins ».

Sans être partisans d’une paralysie de l’action publique, ils insistent sur l’importance d’une grande prudence dans la mise en œuvre de ce type d’industrie. Ils précisent que nous ne maîtrisons que très peu les fonds marins qui peuvent aller jusqu’à – 11 000 m, car il n’existait jusqu’à présent que de rares moyens technologiques permettant d’atteindre de telles profondeurs.

Nous n’avons pas de connaissances approfondies sur la vie dans les grands fonds et nous devons absolument les préserver, car les médications du futur se trouvent peut-être dans ces profondeurs. Les tests PCR en sont d’ailleurs un exemple, puisqu’ils sont issus de recherches maritimes.

C’est pourquoi l’impact de l’extraction minière sur le fonctionnement des écosystèmes nécessite d’être rigoureusement évalué. Ainsi, les biologistes émettent des craintes quant à l’action du sédiment mis en suspension et les éventuelles toxines rejetées par l’extraction de nodules métalliques. Ces éléments nuisent aux organismes marins, puisque ce limon pourrait opacifier l’eau et empêcher certains d’entre eux de respirer, de se nourrir et de se reproduire.

L’avertissement des scientifiques sur l’exploitation minière en haute mer

Selon la déclaration d’un expert marin, appelant à une pause dans l’exploitation minière en haute mer, qui a été signée par 622 experts en sciences et politiques marines de plus de 44 pays :

« L’exploitation minière […] entraînerait une perte de biodiversité et de fonctionnement des écosystèmes qui serait irréversible à des échelles de temps multigénérationnelles ».

Il est donc vivement recommandé que « la transition vers l’exploitation des ressources minérales soit suspendue jusqu’à ce que des informations scientifiques suffisantes et solides aient été obtenues pour prendre des décisions éclairées […] ».

La position de la France sur l’exploitation minière de fonds marins

À l’heure actuelle, la France possède deux permis d’exploration des grands fonds. Les ONG s’inquiètent donc de la position que prendra Emmanuel Macron à propos du moratoire, car jusqu’à présent il s’est montré plutôt favorable au potentiel démarrage de cette exploitation, particulièrement lors de la présentation du plan France Relance 2030 en octobre 2021. Toutefois, le gouvernement se veut rassurant, en précisant qu’il est aujourd’hui uniquement question d’exploration et non d’exploitation.

 

Pour François Chartier, chargé de « Campagne océans » pour Greenpeace France, le Président de la République devrait défendre le moratoire devant l’AIFM, ce qui serait cohérent avec sa prise de position lors du premier One Ocean Summit de Brest en février 2022 qui a réuni plus de 40 pays. Au cours du discours de clôture de ce sommet, Emmanuel Macron déclarait d’ailleurs « Nous sommes fiers d’avoir pris des engagements pour protéger nos océans ».

 

Greenpeace demande également que la France soutienne l’adoption du traité sur la haute mer qui aura lieu à New York en août prochain, lors de l’IGC5 (5e conférence intergouvernementale). Son objectif est la création d’aires marines préservées en haute mer pour assurer la protection des écosystèmes les plus fragiles dans ces grands fonds.