Des étudiants dénoncent les ravages écologiques et sociaux en cours
Lors de la cérémonie de leur remise de diplôme, huit étudiants d’AgroParisTech ont pris la parole à tour de rôle pour dénoncer le système destructeur dont ils sortent. La vidéo publiée sur leur chaîne YouTube a été vue plus de 790 000 fois et s’apprête à passer la barre des 800 000 vues en un peu plus d’une semaine.
« Nous sommes plusieurs à ne pas vouloir faire mine d’être fières et méritantes d’obtenir ce diplôme à l’issue d’une formation qui pousse globalement à participer aux ravages sociaux et écologiques en cours », a commencé Lola.
Un système destructeur du vivant
Ils dénoncent un système « en guerre contre le vivant » en prenant des exemples saisissants des missions que peut avoir un ingénieur agronome en sortant d’AgroParisTech.
« Trafiquer en labo des plantes pour des multinationales qui asservissent toujours plus les agricultrices et les agriculteurs, […] Concevoir des plats préparés et des chimiothérapies pour soigner ensuite les malades causées […] Ou encore compter des grenouilles et des papillons pour que les bétonneurs puissent les faire disparaitre légalement. À nos yeux, ces jobs sont destructeurs et les choisir c’est nuire en servant les intérêts de quelques-uns », ont dénoncé les étudiants avant d’être applaudis dans la salle.
Au micro de France Inter, ils ont également confié ne plus croire aux changements du système de l’intérieur : « J’ai l’impression que c’est plutôt une fois qu’on est à l’intérieur qu’on se fait changer ». Un lien direct avec leur discours où ils appellent les étudiants à bifurquer avant d’être coincés par des obligations financières.
« Si notre cursus à AgroParisTech nous a mis en avant ces débouchés, on ne nous a jamais parlé des diplômé. es qui considèrent que ces métiers font davantage partie des problèmes que des solutions et qui ont fait le choix de déserter. »
Des alternatives sont possibles
Dans ce discours, ils disent s’adresser à « celles et ceux qui doutent » pour leur montrer qu’un autre chemin est possible que celui promu par leur école.
« Nous avons douté, et nous doutons parfois encore. Mais nous avons décidé de chercher d’autres voies, de refuser de servir ce système et de construire nos propres chemins. »
À la fin de leur prise de parole, ils ont tous présenté leur parcours et les projets anti-système qui les animent actuellement. Apiculteur, maraicher ou bien activiste engagé, ils ont chacun montré qu’une autre voie en accord avec leurs valeurs et les enjeux d’aujourd’hui et de demain était possible.
« Nous sommes persuadées que ces façons de vivre nous rendront plus heureuses, plus fortes, et plus épanouies. Nous voulons pouvoir nous regarder en face demain et soutenir le regard de nos enfants », ont-ils ajouté.
Un discours salué et critiqué à la fois
Une désobéissance civile soulignée par la gauche
De nombreuses personnalités politiques ont partagé sur leurs réseaux sociaux le fameux discours tout en félicitant ces étudiants de leur prise de position. C’est le cas de Jean-Luc Mélenchon (LFI) ou Sandrine Rousseau (EELV) par exemple qui a souligné l’importance de la désobéissance civile dont font preuve ces jeunes.
Écoutez ça. L’espoir le plus grand. Que la nouvelle génération « déserte » le monde absurde et cruel dans lequel nous vivons. https://t.co/GhyyAvEKeM
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) May 11, 2022
Quelque chose d’une désobéissance civile d’ampleur à la destruction de la nature est en train de se lever. Force et espoir ! #Climat https://t.co/CVVqprbWUj
— Sandrine Rousseau (@sandrousseau) May 11, 2022
Les étudiants ont rappelé, au micro de France Inter, qu’ils n’appartiennent à aucune classe politique et que, pour eux, le plus important est que « le message, il est clair, il est là ». Ils ont également avoué avoir été un peu dépassés par l’engouement autour de leur discours. Cependant, ils sont ravis, car de nombreux étudiants sont venus les rencontrer après leur prise de parole pour les remercier du courage et de la force qu’ils leur ont transmis.
« Vous pouvez bifurquer maintenant. Commencer une formation de paysan-boulanger, partir pour quelques mois de wwoofing, participer à un chantier dans une ZAD ou ailleurs, rejoindre un week-end de lutte avec les Soulèvements de la Terre, s’investir dans un atelier de vélo participatif ? Ça peut commencer comme ça », ont terminé les étudiants.
Un discours fataliste selon le directeur de l’école
Le directeur de l’école, Laurent Buisson, a été interrogé par le journal Les Échos et a appelé les étudiants à ne pas être fatalistes.
« Une partie du discours ne m’a pas surpris puisqu’on sait les jeunes très préoccupés par les questions environnementales. Ils insistent sur l’urgence. Cette inquiétude, on la partage et on leur dit qu’on est aussi engagés qu’eux. Ce qui m’a surpris, c’est le côté excessif et radical du discours », a-t-il confié au journaliste.
Le directeur général d'AgroParisTech a insisté sur le fait que les étudiants qui préfèrent se mettre en marge n’auront un impact que sur ces mêmes marges.
« Il existe de nombreux moyens de répondre à ces problématiques et si ces diplômés trouvent de nouvelles approches, ce sera très bien. Plus il y aura d’agriculteurs qui exploreront des voies différentes, plus on aura de chances de trouver des solutions. »
Un discours qui semble plutôt juste et loin d’être excessif aux yeux de ces étudiants qui montrent les conséquences des projets qu’ils auraient pu mener en tant qu’ingénieur agronome :
« Nous avons rencontré des gens qui luttaient et nous les avons suivis sur leurs terrains de lutte. […] Je pense à Cristiana et Emmanuel, qui voient le béton couler sur leurs terres du plateau de Saclay, ou à ce trou desséché, compensation dérisoire à une mare pleine de tritons, et à Nico, qui voit de sa tour d’immeuble les jardins populaires de son enfance rasés pour la construction d’un écoquartier. »