Les opinions sur la Coupe du monde au Qatar
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Les opinions sur la Coupe du monde au Qatar

Du 21 novembre au 18 décembre se déroule la Coupe du monde de football. Depuis plusieurs mois, les appels au boycott de cette manifestation sportive se sont multipliés : ex-joueurs de foot, acteurs, médias, politiques... tous insistent sur le désastre humain et écologique que représente le Mondial 2022 organisé par le Qatar. Zoom sur les différentes opinions, discussions, polémiques et controverses.

Le Mondial au Qatar, un scandale environnemental

Les promesses du ministre de l’Environnement du Qatar, Mohammed ben Abdallah al-Rumaihi, qui s’engageait en octobre 2018 à un « bilan carbone neutre » pour la Coupe du monde de football 2022, semblent aujourd’hui bien creuses.

L’événement sportif se déroulera dans l’un des endroits les plus chauds du monde, non loin du nord du désert de Rub al-Khali en Arabie saoudite. Habituellement organisé en pleine saison estivale, où les températures locales peuvent atteindre les 45°C à l’ombre, le Mondial a été exceptionnellement décalé à la fin de l’année, période durant laquelle le mercure avoisine généralement les 25°C.

Une chaleur qui reste tout de même suffisamment intense pour que l’air des stades ait besoin d’être rafraîchi : sur les 8 stades spécialement construits pour l’événement, 7 seront climatisés durant le Mondial. À l’heure où il est plus que jamais question de sobriété énergétique, climatiser des enceintes à ciel ouvert relève de l’aberration environnementale.

Le seul stade à n’être pas climatisé est le stade 974 installé à Doha. Entièrement démontable, composé d’une structure en acier et de conteneurs de pêche, cette enceinte sportive de 40 000 places sert de vitrine verte au Mondial.

Par ailleurs, le Qatar fait partie des pays émettant le plus de CO2 par personne, avec une moyenne de 37 tonnes par habitant et par an en 2017, contre 5,2 tonnes en France (11,5 tonnes en comptant les émissions de CO2 liées aux importations).

« Avec ses villes au milieu du désert, le Qatar est un miroir grossissant des maux de notre société en matière de gestion des ressources », expliquait en 2021 au média Reporterre le professeur en sciences de gestion à l’université d’Aix-Marseille Gilles Paché.

La climatisation des stades, souvent mise en avant comme symbole du scandale environnemental de ce Mondial 2022, est loin d’être le seul point problématique.

Comme le souligne Delphine Benoit-Mayoux, coordinatrice Impact & Héritage de la Coupe du monde Féminine de football 2019, dans une interview accordée au média Bon Pote, « les déplacements internationaux générés par l’événement ont été le secteur le plus impactant en termes de CO2 » durant le Mondial féminin de 2019.

« Sur l’impact environnemental national, 95% de notre impact était lié aux spectateurs dont 75% porté par le transport aérien mondial, le reste concernant l’hébergement et la restauration », détaille-t-elle, ce à quoi il faut ajouter la construction des infrastructures, qui « peut aussi peser dans le bilan carbone d’un événement car c’est un secteur très consommateur d’énergie et de matières premières ».

Les émissions de CO2 liées au transport aérien s’annoncent d’autant plus conséquentes que certains supporters, selon l’association Football Supporters Europe, comptent faire l’aller-retour à chaque match tant le prix des hôtels sur place est élevé.

« Il est compliqué de s'en sortir en dessous de 6 000 euros sur ce tournoi, en comptant uniquement les vols, le logement et les billets. On doit être en moyenne entre 2,5 et 3 fois le budget de la Russie [Mondial 2018] », détaillait au mois d’avril Ronan Evain, le directeur de l'association Football Supporters Europe, interrogé par France Info.

Coupe du monde au Qatar : un lourd bilan humain

La dure réalité des travailleurs migrants

D’après une enquête menée par The Guardian, plus de 6500 ouvriers étrangers seraient morts sur les chantiers de construction des stades et autres infrastructures depuis l’attribution de la Coupe du monde au Qatar en 2010.

 

En réalité, ce chiffre pourrait être beaucoup plus élevé. Pour parvenir à comptabiliser les décès, le quotidien britannique a recoupé les données des principaux pays pourvoyeurs de main-d’œuvre au Qatar, à savoir le Sri Lanka, le Bangladesh, le Népal, le Pakistan et l’Inde. Mais les décès de travailleurs originaires d’autres pays, comme le Kenya ou les Philippines, très nombreux au Qatar, ne sont pas comptabilisés dans cette étude.

Depuis des années, des ONG comme Amnesty International tirent la sonnette d’alarme et exigent que les conditions de travail des travailleurs migrants, qui ne sont pas moins de 2 millions dans le pays, soient améliorées.

Ces hommes et ces femmes sont majoritairement originaires d’Afrique et d’Asie, et travaillent sur les chantiers, mais aussi dans les hôtels et les restaurants du pays. Dès 2013, Amnesty International a commencé à dénoncer les conditions de travail dans le secteur de la construction au Qatar, réclamant une réforme des lois.

En 2014, le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, nommé par l’ONU, s’est attaqué à la kafala et a demandé son abolition. Ce système de « parrainage », qui à l’origine désigne selon le droit musulman une adoption non plénière, est une véritable mise sous tutelle pour les travailleurs migrants, empêchés de quitter le pays sans l’autorisation de leur employeur.

La kafala a été officiellement abolie par le Qatar en 2016, mais dans les faits, les travailleurs restent toujours soumis au bon vouloir de leur employeur, qui est le seul à pouvoir les autoriser à quitter le pays.

En 2017, une nouvelle loi est censée améliorer les conditions de travail des employés domestiques, qui doivent en réalité, d’après les observations d’Amnesty International, continuer à faire face à une surcharge de travail extrême ainsi qu’à de mauvais traitements et des sévices sexuels.

Malgré la ratification par le Qatar de deux traités internationaux en 2018, les travailleurs étrangers ne peuvent toujours pas se syndiquer, et si, la même année, le pays autorise la sortie du territoire sans l’accord de l’employeur, cette nouvelle loi ne s’applique pas aux employés domestiques.

Il faudra attendre 2020 pour que la loi soit étendue à l’ensemble des travailleurs, pourtant, selon Amnesty International, elle reste majoritairement inappliquée. La même année, le Qatar vote la mise en place d’un salaire minimal pour les travailleurs étrangers, mais là encore, la réalité est bien différente et les travailleurs continuent à subir des retards ou des pertes de salaire.

 

Des droits humains bafoués

Par ailleurs, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer le non-respect des droits humains au Qatar, comme l’a fait la présidente de la Fédération norvégienne de football Lise Klaveness au mois de mars.

Dans le cadre d’un congrès réunissant les 211 fédérations membres de la FIFA, Lise Klaveness a déclaré : « La décision d’accorder le Mondial au Qatar a été prise de manière inacceptable. Il n’y a pas de place pour des employeurs qui ne veillent pas à la liberté et la sécurité des ouvriers du Mondial. Pas de place pour des dirigeants qui n’accueillent pas le football féminin. Pas de place pour des pays hôtes qui ne peuvent pas garantir légalement la sécurité et le respect des personnes LGBT ».

Selon le rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde publié en 2021 par Amnesty International, le Qatar a recours à « des lois abusives » pour « réprimer les voix dissidentes » et « restreindre la liberté d’expression ».

L’ONG donne l’exemple de Malcolm Bidali, un blogueur et militant pour les droits des travailleurs migrants, qui a été « soumis à une disparition forcée par les autorités » et « détenu à l’isolement pendant un mois », sans possibilité de voir un avocat.

Les femmes qataries, quant à elles, « continuent de faire face à une discrimination profonde dans presque tous les aspects de leur vie », selon l’ONG Human Rights Watch.

Elles ont besoin de l’autorisation d’un tuteur masculin – le plus souvent leur père, leur frère, leur cousin, leur oncle ou leur époux – pour « se marier, étudier à l’étranger grâce à des bourses du gouvernement, occuper de nombreux emplois de la fonction publique, voyager à l’étranger jusqu’à un certain âge et recevoir certains types de soins de santé reproductive ».

Le divorce est particulièrement difficile à obtenir pour une femme qatarie, et lorsqu’elle y parvient, elle ne peut espérer avoir la tutelle de ses enfants.

Le gouvernement du Qatar a vivement contesté les conclusions du rapport de Human Rights Watch et assuré qu’une enquête serait menée, ce qui, selon Amnesty International, n’avait toujours pas été fait lors de la publication de son rapport fin 2021.

Quant aux droits des personnes LGBTQI+, ils sont encore inexistants. Le Code pénal du Qatar prévoit jusqu’à 7 ans de prison pour les relations sexuelles entre hommes, et selon l’article 296, « provoquer ou séduire un homme ou une femme, de quelque façon, dans le but de commettre des actes immoraux ou illégaux » est une infraction.

Questionnée de nombreuses fois à ce sujet, la FIFA ne cesse de répéter que tous les supporters souhaitant assister à la Coupe du monde de football pourront le faire en toute sécurité, quelle que soit leur orientation sexuelle.

Pourtant, au mois de mai, une enquête publiée par 3 médias scandinaves s’avérait beaucoup moins optimiste. Les journalistes du média suédois SVT, du danois DR et du norvégien NRK ont appelé les 69 hôtels qataris recommandés aux supporters par la FIFA. Ils se sont fait passer pour un couple d’hommes souhaitant séjourner au Qatar pour leur voyage de noces.

Bilan : 20 hôtels ont accepté à condition que les visiteurs ne s’embrassent pas en public et n’affichent pas de « comportement sexuel ». 3 ont refusé en expliquant clairement qu’ils n’acceptaient pas les couples homosexuels. Les autres établissements ont accepté la réservation sans condition.

En avril, un haut responsable qatari chargé de la sécurité du Mondial, Abdulaziz Abdullah Al Ansari, avait déclaré : « Si un supporter brandit un drapeau arc-en-ciel dans un stade et qu'on lui enlève, ce ne sera pas parce que je veux l'insulter, mais bien le protéger. Si on ne le fait pas, un autre spectateur pourrait l'attaquer ». Il avait ensuite ajouté : « Ne venez pas pour insulter toute une société. Nous ne pouvons pas changer les lois ou la religion pour les 28 jours de la Coupe du monde ! ».

Le boycott est-il le seul levier d’action ?

Plusieurs personnalités publiques se sont récemment exprimées à ce sujet, et ont annoncé leur intention de boycotter la Coupe du monde de football au Qatar pour protester contre le scandale écologique et humanitaire que représente à leurs yeux cet événement sportif.

C’est notamment le cas de l’ancien joueur français Eric Cantona, qui a dénoncé sur les réseaux sociaux « une aberration écologique avec tous ces stades climatisés », et rappelé l’existence de « milliers de morts pour construire ces stades ». Il a annoncé qu’il ne regarderait « pas un seul match ».

 

Au mois d’août, l’ancien footballeur allemand Philipp Lahm a quant à lui déclaré qu’il ne se rendrait pas au Qatar « en tant que supporter », et qu’il ne faisait pas non plus partie de la délégation. « Les droits humains doivent jouer un rôle plus important dans l’attribution des compétitions », a-t-il souligné.

 

Peu après, ce fut au tour du comédien Vincent Lindon d’annoncer publiquement qu’il ne regarderait pas la Coupe du monde, évoquant « une aberration écologique » ainsi que le « non-respect des droits de l’homme ».

 

Du côté des médias, seul Le Quotidien de la Réunion a pris position en faveur du boycott.

 

Certains hommes politiques se sont également prononcés, comme l’eurodéputé EELV David Cormand, qui ne regardera pas le Mondial, ou le député LFI Alexis Corbière, qui estime que « les conditions ne sont pas réunies pour que notre Équipe de France se rende à cet événement », le qualifiant de « scandale sportif, écologique et social ».

 

L’ONG Amnesty International a, en revanche, volontairement choisi de ne pas boycotter la Coupe du monde. Son intention est d’utiliser ce coup de projecteur sur le pays « pour chercher à obtenir des changements pour la protection et le respect des droits des travailleurs et travailleuses migrants au Qatar ».

Les ONG FairSquare, Human Rights Watch et Amnesty International ont appelé les sponsors et entreprises partenaires à « faire pression sur la FIFA et sur le gouvernement qatari pour qu’ils indemnisent et offrent d’autres recours aux travailleurs migrants et à leurs familles en cas de décès, blessures, salaires impayés ou dettes dues aux frais de recrutement illégaux pendant la préparation de la compétition ».

 

 

Sur les 14 sponsors du Mondial et entreprises partenaires de la FIFA auxquels les ONG ont écrit pour qu’ils demandent la mise en place d’une compensation financière destinée aux travailleurs migrants, 4 se sont dits favorables à cette démarche : McDonald’s, Adidas, Coca-Cola et InBev/Budweiser. Les autres n’ont, pour l’heure, pas donné suite.

 

 

Sources

  • https://www.lemessager.fr/47017/article/2022-09-15/eric-cantona-decide-de-boycotter-le-mondial-de-foot-2022mondial-2022-au-qatar

  • https://www.radiofrance.fr/franceinter/y-aller-ou-pas-les-appels-au-boycott-de-la-coupe-du-monde-au-qatar-se-multiplient-5673861

  • https://www.geo.fr/environnement/coupe-du-monde-de-football-au-qatar-un-signal-desastreux-pour-la-planete-209896

  • https://mrmondialisation.org/de-limportance-de-boycotter-la-coupe-du-monde-au-qatar/

  • https://bonpote.com/fans-de-football-doit-on-boycotter-le-mondial-2022-au-qatar/

  • https://bonpote.com/football-feminisme-et-ecologie-delphine-benoit-mayoux/

  • https://reporterre.net/A-la-COP26-la-Coupe-du-monde-au-Qatar-fait-son-greenwashing

  • https://reporterre.net/Football-Coupe-du-monde-au-Qatar-un-desastre-humain-et-ecologique

  • https://www.francetvinfo.fr/coupe-du-monde/coupe-du-monde-2022-a-cause-du-prix-des-hotels-au-qatar-certains-supporters-francais-pensent-a-faire-l-aller-retour-a-chaque-match_5059399.html

  • https://information.tv5monde.com/info/coupe-du-monde-2022-au-qatar-ce-boycott-qui-monte-471372

  • https://www.novethic.fr/actualite/social/droits-humains/isr-rse/l-appel-au-boycott-de-la-coupe-du-monde-de-football-prend-de-l-ampleur-151044.html

  • https://www.amnesty.fr/campagnes/qatar-2022-coupe-du-monde-football-ramenez-la-coupe-a-la-raison

  • https://images.prismic.io/amnestyfr/123b15fa-5c8f-4a8a-a16a-da51fcd44547_frise_qatar.png?auto=compress,format

  • https://www.amnesty.fr/responsabilite-des-entreprises/actualites/qatar-2022-un-an-pour-mettre-fin-a-lenfer-des-travailleurs-migrants

  • https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2022/09/fifa-world-cup-all-sponsors-should-back-remedies-for-workers/

  • https://www.francetvinfo.fr/coupe-du-monde/coupe-du-monde-2022-amnesty-international-n-appelle-pas-au-boycott-et-negocie-avec-la-fifa-un-programme-d-indemnisation-des-violations-des-droits_5360731.html

  • https://www.amnesty.fr/pays/qatar

  • https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/crise-climatique/coupe-du-monde-2022-du-stade-demontable-a-la-climatisation-sous-chaque-siege-le-bilan-carbone-neutre-promis-parait-bien-utopique_5057950.html

  • https://www.leparisien.fr/sports/football/coupe-du-monde-2022-respect-des-droits-de-lhomme-au-qatar-la-norvege-outree-le-graet-tempere-31-03-2022-ASMADFSIGBDVNMM2CTEPRLQ2TI.php

  • https://information.tv5monde.com/terriennes/au-qatar-les-femmes-et-les-filles-sont-en-quarantaine-vie-403721

  • https://www.liberation.fr/international/moyen-orient/coupe-du-monde-les-homosexuels-pas-si-bienvenus-que-ca-au-qatar-20220513_MXP7UAUSW5CAPGMSSZF7EMVNV4/

  • https://www.stophomophobie.com/mondial-2022-les-drapeaux-arc-en-ciel-interdits-au-qatar-pour-proteger-les-supporters-lgbt/




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