L’Australie aide financièrement les victimes de violences conjugales
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L’Australie aide financièrement les victimes de violences conjugales

« En Australie, une femme meurt sous les coups de son conjoint tous les 9 jours. » Pour permettre aux victimes de fuir une relation violente, le gouvernement australien a mis en place un programme pilote. Il s’agit d’un dispositif d’aide financière pour sortir de l’emprise physique, psychologique et économique. Cette initiative louable soulève également des interrogations au sein des organisations qui militent pour les droits des femmes et la lutte contre les violences conjugales dont elles sont victimes. Explications.

Le dispositif Escaping Violence Payment mis en place en Australie

Le constat

Lorsqu’il est question de relations toxiques menant à des violences conjugales manifestes, les victimes se retrouvent face à des dépenses financières colossales lorsqu’elles souhaitent fuir. Le Conseil australien des syndicats a estimé dans une étude réalisée en 2017 que la somme de ces frais pouvait s’élever à 18 000 dollars australiens, soit environ 11 500 euros. Ce qui englobe le déménagement, l’aménagement d’un nouveau logement, mais aussi les frais d’avocat, les dépenses liées à la vie quotidienne et à la scolarité des enfants le cas échéant.

Bien que concernant également une faible proportion d’hommes, les violences conjugales touchent majoritairement les femmes. Or la réalité économique des victimes, induite par les inégalités de contrats et de salaires entre les sexes, représente bien souvent un frein à la fuite. L’emprise morale se double alors d’une dépendance financière. Un phénomène amplifié par les pertes d’emplois liés à la crise sanitaire. Les violences conjugales ont nettement augmenté en Australie comme ailleurs lors des périodes de confinement durant lesquelles les femmes ne pouvaient pas quitter leur foyer.

Le dispositif australien

Dans ce contexte, le gouvernement Morrison s’est engagé à dédier 1,1 milliard de dollars pour aider les victimes à échapper aux violences.

« Toute personne a le droit de vivre sa vie en sécurité, dans la dignité et à l’abri de toute forme de violence, y compris la violence domestique, familiale et sexuelle », comme le rappelle Claerwen Little, la présidente du consortium UnitingCare.

Le programme d’essai australien consiste à verser jusqu’à 5 000 dollars aux victimes pour accompagner ce changement de vie. Soit environ 3 200 euros, dont une partie en espèces et une autre partie directement, en règlement de factures pour la scolarité ou le déménagement. Ce dispositif a débuté le 19 octobre 2021 pour une période de deux ans. Il est coordonné par l’organisme UnitingCare Australia qui assure avoir reçu des demandes avant même l’ouverture officielle.

 

Les avis mitigés des organisations de défense des droits des femmes

Mary Crooks de l’organisme Victorian Women’s Trust

Bien que destiné à aider les victimes à quitter un partenaire abusif et violent, le programme Escaping Violence Payment maintient un message néfaste au sein de la société selon Mary Crooks.

La directrice du Victorian Women’s Trust souligne « un gros problème moral, éthique et politique. Pourquoi la victime doit-elle encore subir ce traumatisme extraordinaire et ce bouleversement dans sa vie alors qu’en fait, ce n’est pas elle qui a commis le mal ? »

En effet, le sujet reste encore trop banalisé. Une enquête de 2018 soulignait notamment qu’une personne sur cinq en Australie pense que les violences domestiques sont « des réactions normales au stress et à la frustration quotidiens ». Un état d’esprit qui conduit inévitablement au constat suivant : en Australie, 1 femme sur 6 est victime de violences conjugales et 1 femme est assassinée tous les 9 jours par son conjoint ou son ex-partenaire.

Anaïs Defosse de la Fondation des Femmes

En France, c’est 1 femme qui meurt tous les 3 jours, selon Brut. Anaïs Defosse, avocate et porte-parole de la Fondation des Femmes, souligne alors que l’initiative australienne permet de mettre en lumière « la question du financement de la sortie des violences pour les femmes victimes ».

Elle rappelle que le coût financier englobe aussi des soins adaptés, notamment en psychotraumatisme. Et que l’indépendance se joue également sur le plan professionnel pour les victimes qui se sont retrouvées éloignées du monde du travail, notamment en raison d’une interdiction de leur conjoint d’exercer un métier.

 

Pour la porte-parole toutefois, la question du domicile est plus complexe. L’insécurité liée au logement où ont eu lieu les violences conjugales peut ranimer sans cesse le traumatisme. L’aide au déménagement semble alors bien adaptée.

La France mise quant à elle sur des dispositifs d’hébergement et d’accompagnement gratuits, ainsi qu’une récente expérimentation sur le recueil de plaintes au domicile ou dans un lieu neutre, chez le médecin par exemple. Anaïs Defosse espère que l’initiative australienne va permettre de soulever de nouvelles questions dans l’Hexagone. Cependant, la représentante de la Fondation des Femmes insiste sur le fait que ce ne doit pas être une solution qui remplace les autres. L’enveloppe financière doit venir en complément des infrastructures d’hébergements, des soins, des dispositifs d’accompagnement et de réinsertion.