L'âge du plastique est bien arrivé, succédant à celui de la pierre et du bronze, a déclaré en 2012 un jeune Boyan Slat lors d'une conférence TEDx. À la tête de sa propre organisation, The Ocean Cleanup, il a présenté au monde son innovation pour récupérer les débris plastiques des eaux, suscitant un mélange d'espoir et de scepticisme.
Le secteur s'est depuis enrichi de diverses inventions, allant de pièges à déchets high-tech à des projets plus humbles. La difficulté de réduire l'impact des déchets plastiques sur la vie marine conduit nombreux à repenser leur stratégie. D'ailleurs, un document d'octobre 2023 de l'Environmental Investigation Agency (EIA) révélait des tendances prometteuses, mais aussi des solutions dérisoires face à l'ampleur du désastre.
Technologies spectaculaires versus réalité déconcertante
"L'innovation attire l'attention, c'est un spectacle en soi", affirme Isabelle Poitou, spécialiste des déchets en milieu maritime. Bien que The Ocean Cleanup ait capté l'imagination du public, elle reste réaliste sur l'efficacité réelle de telles démarches, pointant du doigt qu'il serait peut-être plus sage d'investir sur les causes en amont du problème.
"Quand on considère que 80% du plastique en mer provient des terres, ne serait-il pas mieux de concentrer nos ressources là où la pollution commence ? Cependant, je dois admettre que les résultats obtenus par The Ocean Cleanup sont remarquables," dit-elle.
Face à la grande échelle du problème, les projets comme le Manta d'Yvan Bourgnon et son ambition de navire-usine avancent lentement et rencontrent des retards importants, imputables en partie à la quête incessante de fonds et à la complexité logistique de tels dispositifs.
La prévention plutôt que la cure
L'optimisme n'est pourtant pas perdu. Plusieurs initiatives, telles que celles conduites en Indonésie par The Sea Cleaners ou The Ocean Cleanup's, se concentrent sur des applications moins éclatantes mais potentiellement plus impactantes, visant à empêcher l'entrée des déchets plastiques dans les eaux océaniques depuis les fleuves et rivières.
Cependant, d'après l'OCDE, la quantité globale de déchets plastiques pourrait tripler d'ici 2060 si aucune action drastique n'est mise en œuvre. Selon Roberto Casati, philosophe et expert des questions environnementales, l'ampleur du défi est telle que "l'utilisation de technologies de collecte des déchets actuellement disponibles reviendrait à tenter de nettoyer l'avenue des Champs-Élysées avec un petit aspirateur à main après la parade du 14 juillet".
Pour lutter efficacement contre ce problème, des voix s'élèvent pour réclamer des mesures plus radicales, notamment sur la réduction de la consommation de plastique elle-même.
L'EIA argumente que beaucoup de technologies de nettoyage sont davantage symboliques qu'efficaces et risquent de détourner l'attention du besoin essentiel de réduction à la source.
Des programmes locaux et économiquement viables
Des mouvements comme Plastic Odyssey suggèrent une autre approche, axée sur la collaboration avec les communautés locales pour développer des systèmes de gestion des déchets plastiques marins qui soient durables et qui apportent une valeur économique. Il s'agit là d'une quête de solutions fondamentales qui requirent le soutien politique et l'engagement communautaire.
"Penser qu'on peut simplement 'nettoyer' les océans est un mensonge. Nous devons associer nos actions à de véritables mesures politiques qui freinent la surproduction de plastique" déclare Simon Bernard, chef de projet chez Plastic Odyssey.