Le rêve du 100 % bio abandonné
La transition vers une agriculture 100 % biologique devait se faire sur 10 ans, mais Gotabaya Rajapaksa, l'ex-président du Sri Lanka, en a décidé autrement. En avril 2021, il a brusquement interdit tous les produits chimiques dans le pays, prenant de court tous les acteurs du milieu. Bien que deux tiers des agriculteurs du pays soient favorables au 100 % bio, la majorité d’entre eux considèrent qu’il leur faut au moins un an pour mettre en place cette transition.
90 % des agriculteurs utilisaient des produits chimiques sur leurs cultures avant cette décision majeure. Les producteurs ont donc été subitement privés d’une partie de leur rendement. Sans l’usage de pesticides, certains agriculteurs de thé ont constaté cinq fois moins de feuilles qu’à la normale. Un coup considérable porté à l’économie quand on sait que le thé a fait la renommée de l’île et s’exportait un peu partout dans le monde comme en Russie ou en France.
« Les rendements dans le secteur du thé ont subi une baisse de 30 à 40 % alors que cette industrie assure la survie du Sri Lanka », a annoncé W. A. Wijewardena, l’ancien gouverneur adjoint de la banque centrale.
Le constat est similaire pour les riziculteurs qui estiment que la quantité de riz par hectare a été divisée par trois. Des pertes importantes qui entrainent une grave précarité, particulièrement chez les petits producteurs qui ont moins de moyens.
Face à cette crise mettant en danger la sécurité alimentaire du pays, le gouvernement srilankais a fait machine arrière en décidant de réintroduire les pesticides, 6 mois seulement après l’interdiction.
Le Sri Lanka plongé dans une crise économique et politique
La pandémie de Covid19 a durement touché le pays, le privant de ses recettes liées au tourisme, un secteur très important pour le Sri Lanka. Cependant, si le tourisme est un secteur très lucratif, la production de thé ou de riz l’est tout autant. En supprimant aussi soudainement les produits chimiques importés, l'ex-président a jeté le coup de grâce à l’économie du pays. Il a réduit radicalement les recettes des secteurs sur lesquels le pays pouvait encore compter pendant la pandémie.
Les agriculteurs se retrouvent démunis et les pertes de rendements poussent le pays au bord d’une crise alimentaire. Un tiers des Srilankais n’ont désormais plus les moyens d’acheter des aliments nutritifs contre seulement 11 % l’année précédente.
« L’interdiction a été levée mais il est aujourd’hui impossible de se procurer engrais, pesticides et herbicides en raison de la pénurie de dollars. Quand bien même nous pourrions mettre la main dessus, nous ne pourrions pas les payer car les prix ont littéralement explosé », a affirmé J.L.P Jayasiri, un riziculteur gravement touché par la crise économique.
Avant cette décision, le Sri Lanka était presque autosuffisant en riz. À présent, le pays est forcé d’en importer de ces voisins comme l’Inde qui lui en a fait parvenir plusieurs milliers de tonnes.
Le 100 % agriculture biologique n’est pas en faute, c’est la transition brutale mise en place par le gouvernement qui est pointé du doigt. Les agriculteurs srilankais n’étaient pas prêts à mener cette transition aussi rapidement et cette politique pourrait bien menacer aujourd’hui la population de famine.