Transformation d'une tourbière dans la Manche: un futur sanctuaire écologique controversé Lecture : 4 min
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Transformation d'une tourbière dans la Manche: un futur sanctuaire écologique controversé

La reconversion d'une tourbière en réserve naturelle dans la Manche est un projet ambitieux visant à restaurer un puits de carbone, mais il soulève des préoccupations liées au risque d'inondations.

Dans le département de la Manche, se trouve la tourbière de Sèves. Ce joyau naturel qui s'étend sur une superficie de 2 000 hectares. Au cœur de cette vaste zone humide trône la principale carrière de tourbe de l'Hexagone, utilisée pour la production de terreau horticole. La zone, actuellement saturée d'eau à la suite de précipitations importantes, est sur le point d'être l'objet d'une transformation majeure. Le ministère de la Transition écologique supervise avec intérêt le projet de reconversion de cette étendue en une réserve naturelle, visant à réhabiliter le rôle de la tourbière en tant que puits de carbone.

'Les tourbières possèdent une valeur écologique indéniable en raison de leur forte capacité de stockage de carbone. Elles constituent également une biodiversité riche, offrant un habitat privilégié pour une multitude d'espèces aviaires et une flore spécifique,' déclare Denis Letan, responsable du Parc naturel régional des marais du Cotentin et du Bessin.

Établissement d'une réserve naturelle régionale

La carrière de Baupte située en plein milieu de la tourbière, est un site d'exploitation s'étendant sur environ 650 hectares. Cependant, près de huit décennies d'extraction de tourbe ont eu un impact notable sur l'écosystème local. Audrey Gaudron, directrice au Conseil départemental de la Manche, explique que les pompes abaissant le niveau d'eau ont causé un assèchement de la tourbière. En conséquence, elle s'est mise à libérer du dioxyde de carbone au lieu de le stocker, d'où l'urgence d'agir sur le plan environnemental.

La fin de l'exploitation de la carrière est prévue dans deux ans. Suite à cela, le projet vise le classement de l'ensemble de la tourbière en tant que réserve naturelle régionale. Les travaux prévus permettront une remontée de la nappe phréatique et favoriseront à terme la régénération de la tourbe et sa capacité à stocker le carbone de manière optimale, poursuit Denis Letan.

Possible menace d'importantes inondations

Le retrait des pompes entraînera une hausse considérable du niveau de l'eau, retrouvant ainsi son état d'avant l'exploitation minière, soit il y a 80 ans. Compte tenu de l'affaissement des sols liés aux travaux passés, cette remontée aquatique causera l'immersion permanente d'environ 800 hectares sur les 2 000 et inondera de façon ponctuelle 500 hectares supplémentaires, nous informe Denis Letan.

Les prairies environnantes exploitées par des agriculteurs locaux, sont aussi en jeu. Paul-Étienne Anne, éleveur laitier bio, exprime sa préoccupation quant aux risques d'inondations, notamment pendant les périodes de pâturage au printemps et en été. Il note les dangers potentiels pour son bétail, pouvant entraîner leur enlisement. La perte de terres utilisables représenterait une perte financière d'à peu près 30 000 euros pour sa ferme, et d'autres agriculteurs pourraient se retrouver dans une situation encore plus critique.

Pour remédier à cette problématique, une 'banque de terre' a été mise en place, consistant à acquérir des exploitations agricoles hors d'eau et accessibles à la vente dans les environs, afin de reloger les exploitants agricoles affectés. Cette mesure vise à pallier la perte de terres agricoles susceptibles d'être inondées. À côté des agriculteurs, certains résidents des communes avoisinantes redoutent également des submersions.

Une initiative avec une portée européenne

Le regard porté sur ce projet dépasse largement les frontières du département. 'Ce projet attire l'attention à l'échelle nationale et européenne. Il se présente comme un cas d'étude fascinant sur la gestion d'un site sujet aux inondations, sur la régénération d'une tourbière dégradée en vue de la transformer en un puits de carbone efficace, ce qui contribuera à atteindre nos objectifs de neutralité carbone,' explique Letan. Malgré ses bénéfices écologiques, le projet nécessite un investissement significatif s'élevant à environ 12 millions d'euros d'après les estimations du Département de la Manche.

Source image : https://parc-cotentin-bessin.fr/la-tourbiere-de-seves