8 jeunes ingénieurs agronomes appellent à déserter les jobs destructeurs pour la planète Lecture : 6 min
  1. Accueil
  2. News
  3. Environnement
  4. 8 jeunes ingénieurs agronomes appellent à déserter les jobs destructeurs pour la planète

8 jeunes ingénieurs agronomes appellent à déserter les jobs destructeurs pour la planète

Pendant leur remise de diplômes, huit étudiants de l’école d’ingénieur AgroParisTech ont pris la parole pour tenir un discours accusateur envers un système promu par leur école. Ces jeunes ingénieurs agronomes dénoncent une société destructrice « en guerre contre le vivant et la paysannerie partout sur Terre » dont ils ne souhaitent plus faire partie. Ils appellent à déserter les jobs destructeurs pour la planète.

Des étudiants dénoncent les ravages écologiques et sociaux en cours

Lors de la cérémonie de leur remise de diplôme, huit étudiants d’AgroParisTech ont pris la parole à tour de rôle pour dénoncer le système destructeur dont ils sortent. La vidéo publiée sur leur chaîne YouTube a été vue plus de 790 000 fois et s’apprête à passer la barre des 800 000 vues en un peu plus d’une semaine.

« Nous sommes plusieurs à ne pas vouloir faire mine d’être fières et méritantes d’obtenir ce diplôme à l’issue d’une formation qui pousse globalement à participer aux ravages sociaux et écologiques en cours », a commencé Lola.

 

Un système destructeur du vivant

Ils dénoncent un système « en guerre contre le vivant » en prenant des exemples saisissants des missions que peut avoir un ingénieur agronome en sortant d’AgroParisTech.

« Trafiquer en labo des plantes pour des multinationales qui asservissent toujours plus les agricultrices et les agriculteurs, […] Concevoir des plats préparés et des chimiothérapies pour soigner ensuite les malades causées […] Ou encore compter des grenouilles et des papillons pour que les bétonneurs puissent les faire disparaitre légalement. À nos yeux, ces jobs sont destructeurs et les choisir c’est nuire en servant les intérêts de quelques-uns », ont dénoncé les étudiants avant d’être applaudis dans la salle.

Au micro de France Inter, ils ont également confié ne plus croire aux changements du système de l’intérieur : « J’ai l’impression que c’est plutôt une fois qu’on est à l’intérieur qu’on se fait changer ». Un lien direct avec leur discours où ils appellent les étudiants à bifurquer avant d’être coincés par des obligations financières.

« Si notre cursus à AgroParisTech nous a mis en avant ces débouchés, on ne nous a jamais parlé des diplômé. es qui considèrent que ces métiers font davantage partie des problèmes que des solutions et qui ont fait le choix de déserter. »

 

Des alternatives sont possibles

Dans ce discours, ils disent s’adresser à « celles et ceux qui doutent » pour leur montrer qu’un autre chemin est possible que celui promu par leur école.

« Nous avons douté, et nous doutons parfois encore. Mais nous avons décidé de chercher d’autres voies, de refuser de servir ce système et de construire nos propres chemins. »

À la fin de leur prise de parole, ils ont tous présenté leur parcours et les projets anti-système qui les animent actuellement. Apiculteur, maraicher ou bien activiste engagé, ils ont chacun montré qu’une autre voie en accord avec leurs valeurs et les enjeux d’aujourd’hui et de demain était possible.

« Nous sommes persuadées que ces façons de vivre nous rendront plus heureuses, plus fortes, et plus épanouies. Nous voulons pouvoir nous regarder en face demain et soutenir le regard de nos enfants », ont-ils ajouté.

Un discours salué et critiqué à la fois

Une désobéissance civile soulignée par la gauche

De nombreuses personnalités politiques ont partagé sur leurs réseaux sociaux le fameux discours tout en félicitant ces étudiants de leur prise de position. C’est le cas de Jean-Luc Mélenchon (LFI) ou Sandrine Rousseau (EELV) par exemple qui a souligné l’importance de la désobéissance civile dont font preuve ces jeunes.

 

 

Les étudiants ont rappelé, au micro de France Inter, qu’ils n’appartiennent à aucune classe politique et que, pour eux, le plus important est que « le message, il est clair, il est là ». Ils ont également avoué avoir été un peu dépassés par l’engouement autour de leur discours. Cependant, ils sont ravis, car de nombreux étudiants sont venus les rencontrer après leur prise de parole pour les remercier du courage et de la force qu’ils leur ont transmis.

« Vous pouvez bifurquer maintenant. Commencer une formation de paysan-boulanger, partir pour quelques mois de wwoofing, participer à un chantier dans une ZAD ou ailleurs, rejoindre un week-end de lutte avec les Soulèvements de la Terre, s’investir dans un atelier de vélo participatif ? Ça peut commencer comme ça », ont terminé les étudiants.

Un discours fataliste selon le directeur de l’école

Le directeur de l’école, Laurent Buisson, a été interrogé par le journal Les Échos et a appelé les étudiants à ne pas être fatalistes.

« Une partie du discours ne m’a pas surpris puisqu’on sait les jeunes très préoccupés par les questions environnementales. Ils insistent sur l’urgence. Cette inquiétude, on la partage et on leur dit qu’on est aussi engagés qu’eux. Ce qui m’a surpris, c’est le côté excessif et radical du discours », a-t-il confié au journaliste.

Le directeur général d'AgroParisTech a insisté sur le fait que les étudiants qui préfèrent se mettre en marge n’auront un impact que sur ces mêmes marges.

« Il existe de nombreux moyens de répondre à ces problématiques et si ces diplômés trouvent de nouvelles approches, ce sera très bien. Plus il y aura d’agriculteurs qui exploreront des voies différentes, plus on aura de chances de trouver des solutions. »

Un discours qui semble plutôt juste et loin d’être excessif aux yeux de ces étudiants qui montrent les conséquences des projets qu’ils auraient pu mener en tant qu’ingénieur agronome :

« Nous avons rencontré des gens qui luttaient et nous les avons suivis sur leurs terrains de lutte. […] Je pense à Cristiana et Emmanuel, qui voient le béton couler sur leurs terres du plateau de Saclay, ou à ce trou desséché, compensation dérisoire à une mare pleine de tritons, et à Nico, qui voit de sa tour d’immeuble les jardins populaires de son enfance rasés pour la construction d’un écoquartier. »