Ce que lui ont apporté ses années d’études
Né en 1962 à Paris, fils d’un professeur et physicien, Jean-Marc Jancovici est diplômé de l’École polytechnique et de l’École nationale supérieure des télécommunications de Paris. Il dira plus tard que le cycle d’ingénieur polytechnicien lui a permis d’acquérir « une forme de gymnastique intellectuelle » et lui a apporté une respectabilité très utile pour être entendu même lorsqu’il énonce des vérités qui ne plaisent pas forcément à tout le monde.
Il considère que ce diplôme est un véritable « parachute à vie », ce qui lui a permis de sortir des voies classiques pendant quelque temps, sans que cela soit un véritable obstacle dans sa future carrière.
Son incursion éphémère dans le monde du cinéma
Au sortir de ses études, Jean-Marc Jancovici ressent le besoin de « prendre une grande respiration ». C’est ainsi qu’il n’hésite pas, un jour de 1986, à répondre à une étrange annonce parue dans le journal Libération, dont le contenu l’interpelle : « Je recherche un polytechnicien acceptant de travailler au SMIC pour une société de production qui n’existe pas ».
C’est le commencement d’une collaboration avec Franck Cabot-David et les débuts de la société de production, Ciné Magma Production. Cette aventure ne durera pas très longtemps, car il s’y trouve trop à l’étroit et la réussite n’est pas au rendez-vous.
La découverte qui bouleversera le cours de sa vie professionnelle
Jean-Marc Jancovici réalise alors qu’il est temps de suivre la carrière pour laquelle il a été formé et c’est ainsi qu’il devient consultant indépendant dans les télécommunications, jusqu’au jour où il est amené à se pencher sur des études touchant aux bénéfices du télétravail dans le domaine des économies de déplacement et de leurs répercussions sur les émissions de gaz à effet de serre.
Il se rend soudain compte de l’écart qui existe entre l’ampleur du problème tel qu’il l’avait compris jusqu’alors et ce qui se profile à l’horizon, et les moyens actuels mis à disposition pour le résoudre. Il détecte tout de suite, comme il le dit, « un espace intellectuel important » dans lequel il peut apporter sa contribution.
Ce sentiment va se renforcer plus tard, au sortir d’une conférence au cours de laquelle il réalise que si les entreprises veulent s’intéresser au problème posé, elles n’ont pas les outils pour le faire, alors que lui, il les a ! C’est ainsi que naîtra le projet du bilan carbone.
Faut-il encore passer de l’idée à sa concrétisation. Grâce à son réseau, il a la possibilité de rencontrer le président de la mission interministérielle de l’effet de serre. Ce dernier le dirige vers l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).
C’est là qu’il fera la connaissance d’un « type sympathique au profil atypique » dont il dira plus tard que c’est un personnage unique. Ce dernier l’écoute et décide d’engager une collaboration avec lui. C’est le début d’un partenariat privé/public qui s’avèrera être une vraie réussite. Quatre ans après leur rencontre, Jean-Marc Jancovici crée le bilan carbone®, l’ADEME lui rachète alors l’outil et sa méthode et le met en place en 2004. Cette marque déposée a généralisé l’expression « bilan carbone », mais il existe d’autres protocoles pour mesurer les émissions de gaz à effet de serre, comme le GHG protocol (GreenHouse Gas Protocol) ou la norme ISO 14064-1.
Du bilan carbone® à Carbone 4
En 2007, Jean-Marc Jancovici décide de fonder, avec Alain Grandjean, un cabinet de conseil pour vendre « des solutions destinées à se prémunir le mieux possible contre le problème de l’émission des gaz à effet de serre » dans le secteur privé. Mais pourquoi réserver cette prestation à ce secteur et ne pas l’étendre au secteur public ? Pour une raison simple, c’est qu’on ne travaille pas de la même manière avec les entreprises privées et les entités publiques, avec lesquelles il faut suivre le Code des marchés publics et respecter les procédures de mise en concurrence formelle. Or, la commande publique n’est pas adaptée à la vente de prestations intellectuelles en matière de comptabilité carbone.
De Carbone 4 à Shift Project
C’est pour remédier à cette difficulté que Shift Project est créé en 2010 avec pour objectif d’être en mesure de travailler avec les collectivités et la puissance publique. Lorsqu’on demande à Jean-Marc Jancovici les raisons qui l’ont poussé à choisir un nom anglais pour désigner cette structure, il répond que c’est uniquement pour tenter d’exister au niveau européen ! Shift Project est une association d’intérêt général qui milite pour la décarbonation de l’économie et qui dissocie le financement et la prestation. La grande différence entre Carbone 4 et Shift Project réside dans le fait que les études effectuées par la première entité restent la propriété des clients, car ce sont des données confidentielles, tandis que celles réalisées par la seconde sont rendues publiques.
Et aujourd’hui ?
À cette question, Jean-Marc Jancovici, qui est également membre du Haut conseil pour le climat, répond qu’il se partage entre trois principales activités, à savoir qu’il travaille :
- en tant qu’associé chez Carbone 4 et dirige une équipe formée de plus de 170 collaborateurs et collaboratrices animée par des valeurs d’engagement, d’intégrité et d’audace ;
- comme président de l’association Shift Project ;
- comme enseignant et conférencier.
Il ajoute en souriant que, pendant ses heures perdues, « il arrive à pondre un bout de bouquin ». C’est ainsi qu’il a écrit :
- L’avenir climatique (2002)
- L’effet de serre avec Hervé Le Treut (2004)
- Le plein SVP ! avec Alain Grandjean (2006)
- C’est Maintenant - 3 ans pour sauver le monde avec Alain Grandjean (2009)
- Transition énergétique pour tous, ce que les politiques n’osent pas vous dire (2011)
- Dormez tranquilles jusqu’en 2100 (2015)
- Le changement climatique expliqué à ma fille (2017)
- La bande dessinée Le monde sans fin avec Christophe Blain (2021)
Mais qui sont les détracteurs de Jean-Marc Jancovici ?
Parmi ses pourfendeurs on trouve, en grande majorité, de farouches opposants au maintien du nucléaire. Or Jean-Marc Jancovici ose affirmer que « si l’on regarde les faits, le nucléaire doit contribuer à la décarbonation », car on ne peut pas prendre le pari de tout miser sur les énergies renouvelables.
Il n’en faut pas plus pour déchaîner les foules ou tout au moins ceux et celles qui ont signé la tribune « Nucléaire » de Reporterre intitulé « Jancovici… Une imposture écologique » et qui se termine ainsi :
« Non, le Shift Project et Jean-Marc Jancovici ne nous proposent pas de véritables alternatives écologistes et politiques à la crise que nous traversons. Oui, il nous faut […] continuer à réfléchir ensemble et démocratiquement aux solutions que nous souhaitons mettre en place, sans nous laisser confisquer notre pouvoir par des élites autoproclamées expertes ».
Après tout, nous sommes en France et chacun est libre d’exprimer son opinion !
D’ailleurs, si la BD, Le monde sans fin, meilleure vente de livre en France en 2022, n’a pas été du goût de tous ses lecteurs, on ne peut pas nier le fait qu’elle a eu au moins le mérite de replacer le débat sur le réchauffement climatique au cœur de l’actualité.
Photo : https://www.facebook.com/jeanmarc.jancovici/