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Jean Jouzel : un passionné de l’évolution du climat Lecture : 8 min
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Jean Jouzel : un passionné de l’évolution du climat

La carrière de Jean Jouzel a été entièrement consacrée à l’étude des changements climatiques et à la sensibilisation du public aux enjeux environnementaux. Pour lui, seuls les modèles climatiques sont en mesure d’aider le scientifique à se projeter dans le futur, car il n’y a pas dans le passé une situation qui est identique à celle que nous vivons actuellement. En effet, même si la Terre a connu un climat plus chaud il y a 125 000 ans, les causes n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui. Ce lanceur d’alerte de l'évolution du climat, qui a exploré la banquise pendant de longues années, a participé à de nombreux travaux qui ont permis de mieux comprendre les mécanismes du changement climatique. En 2002, le CNRS lui a décerné, conjointement avec Claude Laurius, sa médaille d’or qui représente la plus haute distinction de la recherche scientifique en France. Son investissement sans relâche lui a valu d’autres très prestigieuses distinctions, comme le titre de commandeur de la Légion d’honneur et celui de commandeur de l’ordre national du mérite. Portrait de ce célèbre climatologue et glaciologue passionné.
Par Michèle David
Modifié le 14/03/2024 à 13:28
Publié le 14/03/2024 à 13:22

Jean Jouzel, un climatologue et un glaciologue multidiplômé

Jean Jouzel est né en 1947. Après une licence d’enseignement en chimie et une maîtrise de chimie physique à la Faculté des sciences de Lyon, il intègre l’École supérieure de chimie industrielle et obtient le diplôme d’ingénieur chimiste. Ce cursus sera suivi d’un DEA de chimie physique à la Faculté des sciences de Paris.

En 1973, il réussit son doctorat de 3e cycle en soutenant une thèse à la Faculté des sciences d’Orsay sur « les mesures du tritium dans de faibles quantités d’eau à la teneur naturelle ». L’année d’après, il obtient un doctorat ès sciences avec une thèse sur « la complémentarité des mesures de deutérium et de tritium pour l’étude de la formation des grêlons ».

Un parcours professionnel édifiant

À la fin de ses études, Jean Jouzel entre au CEA/Saclay comme ingénieur au laboratoire de géochimie isotopique, dont il assure la direction de 1986 à 1991. Puis, après avoir été son adjoint, il devient directeur du laboratoire de modélisation du climat et de l’environnement (LMCE). En 1998, il occupe le poste de responsable du groupe climat du laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE) et, en 2001, il prend la direction de l’institut Pierre Simon Laplace jusqu’en 2008.

En 2009, il travaille comme chercheur au LSCE et depuis le 1er janvier 2015, il est directeur de recherche émérite dans ce même laboratoire.

Parallèlement à sa carrière professionnelle, il fait partie de nombreux comités nationaux et internationaux.

Une vie entièrement consacrée à l’évolution du climat

Dès les années 1970, Jean Jouzel commence à étudier les glaces polaires, sur le terrain, avec Claude Lorius et son équipe grenobloise. Fin 1974, il participe à l’analyse du 1er forage réalisé au dôme C. Une fructueuse collaboration entre Saclay qui mesure les paléotempératures et Grenoble où sont emprisonnés dans la glace les gaz à effet de serre se met dès lors en place.

C’est sur ce site que sera implantée, une trentaine d’années plus tard, la base franco-italienne Concordia, en activité depuis 1997 et habitée en continu depuis 2005.

Ce 1er carottage pour la reconstitution du climat couvrait 40 000 ans sur une profondeur de 900 m. Le projet Vostok offrira la possibilité de remonter beaucoup plus loin dans le temps !

 

L’opération Vostok : le 1er succès de Jean Jouzel

Depuis 1957, les Soviétiques avaient établi des ateliers de développement et d’essais de carottier pour la glace à la station de Vostok, située à 1500 km à l’intérieur de l’Antarctique. Après plusieurs essais infructueux, en 1982, les équipes sur place réussissent enfin à forer jusqu’à une profondeur de 2 083 m. Aussi, à la réunion du Comité scientifique pour la recherche en Antarctique (SCAR), les Soviétiques décident de faire part de cette performance technique à la communauté internationale.

 

Claude Lorius propose alors de réaliser une préanalyse des échantillons conjointement avec le laboratoire de glaciologie de Grenoble et le LSCE de Saclay. La composition isotopique, qui ressort dès la 1re série d’échantillons, permet de retracer une histoire du climat en continu sur plus de 140 000 ans. Il est ainsi possible de confirmer les résultats de la carotte du Dôme C, c’est-à-dire la fin de la dernière glaciation vers – 15 000 ans et son intensité maximale vers – 25 000 ans. De plus, on peut enregistrer le précédent interglaciaire vers – 120 000 ans et la glaciation antérieure vers – 140 000 ans.

Le projet Vostok est un véritable succès, car il a permis pour la 1re fois de démontrer que les gaz à effet de serre avaient un impact sur le climat, et ce sur une période de 150 000 ans. Cette découverte est l’occasion pour le grand public et les décideurs politiques de prendre enfin conscience du danger que représente le réchauffement climatique. C’est ainsi que l’ancien vice-président américain, Al Gore, s’appuiera sur ces résultats pour la réalisation de son documentaire, La vérité qui dérange, sorti en 2004.

 

Le projet EPICA DC

Après ce premier succès, Jean Jouzel va coordonner le projet European Project for Ice Coring in Antarctica Dôme C (EPICA DC), de 1995 à 2001. C’est un projet qui est conduit par 12 partenaires venant de 10 pays différents.

L’objectif est d’explorer la relation qui existe entre la chimie de l’atmosphère (plus particulièrement les effets du dioxyde de carbone et du méthane) et les changements climatiques survenus dans le passé. Les résultats sont publiés en juillet 2007 dans la revue « Science ». Ils ont nécessité plus de 10 années de forage et plus de 6 000 analyses de carottes et d’échantillons de glace. L’extraction d’une carotte glaciaire à 3 260 m de profondeur a permis de révéler le climat des 800 000 dernières années.

Le 12 mars 2008, le projet EPICA DC sera l’un des lauréats du Prix Descartes de l’UE, prix qui récompense chaque année seulement 4 projets conduits par des pays européens.

 

Expert du GIEC depuis 1994

C’est le G7 qui est à l’origine du GIEC (groupe intergouvernemental pour l’étude du changement climatique) en 1988, mais plus particulièrement deux dirigeants, à savoir la Première ministre britannique Margaret Thatcher et le président américain Ronald Reagan. L’organisation de ce groupe intergouvernemental est alors confiée à l’organisation météorologique mondiale (OMM) et au programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). La création du GIEC est donc une décision politique qui a pour objectif de faire un diagnostic sur tout ce qui touche à l’évolution du climat.

Jean Jouzel a participé à 4 rapports du GIEC entre 1994 et 2015, en tant qu’auteur principal pour le deuxième et le troisième, puis comme vice-président du groupe scientifique dédié aux aspects physiques du climat, de 2002 à 2015. Le GIEC, qui a été co-lauréat du prix Nobel de la paix en 2007, ne fait pas de recommandations, mais un diagnostic critique qui permet aux hommes politiques de prendre les décisions qui s’imposent. C’est pourquoi Jean Jouzel travaille en permanence avec l’objectif de fédérer la recherche, la politique environnementale et le monde de l’entreprise. C’est ainsi qu’il s’est engagé politiquement après avoir quitté le GIEC en 2015 et a participé au Grenelle de l’environnement et à la Convention citoyenne pour le climat.

Toutefois, cet expert regrette que les entreprises n’octroient pas toujours une crédibilité suffisante au discours de la communauté scientifique, alors que les conséquences du réchauffement climatique sont à présent très concrètes. C’est le constat qu’il fit, une fois de plus, en août 2023, au cours des universités d’été du Medef. Il dira d’ailleurs, à l’occasion d’une interview accordée au journal Les Échos « J’ai décrit les choses telles qu’elles sont face à un parterre de chefs d’entreprise, et j’ai reçu un accueil glacé ».

 

 

 

Sources

https://www.radiofrance.fr/personnes/jean-jouzel

https://www.universite-paris-saclay.fr/actualites/jean-jouzel-un-diplome-de-luniversite-paris-saclay-mobilise-pour-la-planete

https://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosclim1/rechfran/4theme/paleo/vostok.html

https://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosclim1/rechfran/4theme/paleo/vostok.html

https://documents.ats.aq/ATCM43/fr/ATCM43_fr001_f.pdf

http://www.patricegodonpolarengineering.eu/fr/dome-c/

https://institut-polaire.fr/fr/antarctique/la-station-concordia/

https://www.universalis.fr/encyclopedie/jean-jouzel/2-les-carottes-de-glace-temoignent-du-climat-du-passe/

https://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosclim1/rechfran/4theme/paleo/epica.html

https://tv.apple.com/fr/movie/une-verite-qui-derange/umc.cmc.1ilv7n3r1plk243zvphp2wkm0

https://institut-polaire.fr/fr/antarctique/la-station-concordia/

https://nowyouknowproject.com/auteurs-definitions/jean-jouzel/

https://www.academie-agriculture.fr/membres/annuaire/jean-jouzel

https://www.actu-environnement.com/ae/news/projet_EPICA_antarctique_prix_descartes_UE_4706.php4

http://www.mediaterre.org/actu,20080318082000,9.html

https://www.youtube.com/watch?v=BDQk14v49QQ

https://www.novethic.fr/actualite/environnement/climat/isr-rse/a-l-origine-quand-margareth-thatcher-et-ronald-regan-ont-cree-le-giec-148067.html

https://www.lefigaro.fr/sciences/climat-bras-de-fer-entre-jean-jouzel-et-le-medef-20230905

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre/la-terre-au-carre-du-vendredi-08-septembre-2023-7027100

https://www.actu-environnement.com/ae/news/projet_EPICA_antarctique_prix_descartes_UE_4706.php4

 

Photo : https://twitter.com/JouzelJean/status/1736636686132465762/photo/1

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