Chien-gora : les particularités de la laine de chien
Les propriétaires de chiens le savent bien, les poils de leurs fidèles amis à quatre pattes sont envahissants. Huskies, samoyèdes, colleys, bergers australiens… Il y a ceux qu’il faut brosser quotidiennement, ceux qui perdent leurs poils tout le temps et les autres qui fonctionnent par période de mue… Où finissent habituellement ces quantités astronomiques de poils ? Gâchées au fond de la poubelle ou encore dispersées en extérieur, quand les touffes ne viennent pas s’incruster directement dans les tapis ou sur le canapé.
Une start-up allemande offre une nouvelle vie à cette ressource inexploitée en fabriquant de la laine de Chien-gora et des vêtements. Une alternative étonnante pour des textiles durables, locaux, respectueux des animaux, transparents et écoresponsables. Une production européenne et des conditions salariales qui se répercutent forcément sur les prix de vente. Pour ces vêtements haut de gamme, il faut compter environ 120 € pour un bonnet ou une écharpe. Les pelotes de laine coûtent elles autour de 30 € pièce.
En termes de caractéristiques la laine de Chien-gora est semblable au cachemire. Au toucher elle est douce comme de l’alpaga et en ce qui concerne l’équilibre thermique elle est en moyenne 80 % plus chaude que la laine de mouton.
Comment est obtenue la laine en poils de chien ?
Aucune maltraitance n’est opérée sur les animaux pour obtenir cette laine. En Allemagne, la start-up dispose d’un large réseau de donateurs constitué de propriétaires attentionnés. Le dépôt se fait en point de collecte ou par envoi de colis. Chaque particulier peut en effet conserver le sous-poil de son animal jusqu’à atteindre 500 grammes minimum. Il suffit ensuite de remplir un formulaire en ligne pour obtenir un bordereau d’expédition gratuit. Il est même proposé de tricoter la laine de son propre chien moyennant 3 mois de délai.
Il faut alors se défaire des idées reçues, la laine de chien n’a pas d’odeur, tout comme la laine de mouton. En effet avant la transformation, les touffes de poils sont triées par couleur, puis lavées et traitées.
À l’origine de cette révolution textile
C’est par une anecdote familiale que tout a commencé pour Ann-Cathrin Schonrock à l’été 2018. En effet sa mère conservait précieusement le sous-poil peigné de ses deux terriers tibétains. Elle jugeait alors qu’il était « trop beau pour être jeté ». Pour Ann-Cathrin, passionnée de tricot et de développement durable, il y avait là matière à réflexion. Elle a alors cherché à savoir s’il était possible de filer les poils de chien pour en faire des pelotes de laine.
Elle s’est ensuite rapprochée de Franziska Uhl, future ingénieure textile, pour savoir si cette idée tenait la route. Elles ont alors concrétisé toutes deux ce projet en co-fondant Modus Intarsia.
Leur entreprise reçoit en janvier 2020 le prix de démarrage Heldenmarkt à Hambourg qui récompense les idées innovantes. Puis elles décrochent une bourse en avril 2020 et intègrent cette même année un incubateur au Centre de l’Entreprenariat de Reutligen. Pour couronner ce succès, leur entreprise figure parmi les 32 lauréates désignées comme pilotes culturels et créatifs de l’Allemagne sur 1 170 candidatures.
Avec une filière d’approvisionnement désormais bien en place, elles espèrent recueillir suffisamment de matière première pour envisager le lancement d’une production industrielle.
Ann-Cathrin Schonrock voit dans la laine de chien la prochaine fibre à la mode. Elle estime que pas loin de 500 tonnes de poils de chien pourraient être récoltées chaque année.