Référendum pour le climat dans la constitution : qu’est-ce que cela changerait ? Lecture : 6 min
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Référendum pour le climat dans la constitution : qu’est-ce que cela changerait ?

Lors de sa rencontre, lundi 14 décembre, avec les membres de la Convention citoyenne pour le climat, Emmanuel Macron a annoncé la tenue d’un référendum pour inscrire la lutte contre le dérèglement climatique et la préservation de la biodiversité et de l’environnement dans l’article premier de la Constitution. Concrètement, qu’est-ce que cela changerait ?

 

Une valeur juridique limitée

Actuellement, l’article 1 de la Constitution comporte deux alinéas :

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée » ;

« La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».

Le référendum porterait sur l’ajout d’un troisième alinéa : « La République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et la lutte contre le dérèglement climatique ».

Comme l’ont signalé de nombreux juristes, la Charte de l’environnement de 2004, qui est adossée à la Constitution et a donc une valeur constitutionnelle, mentionne déjà les droits et les devoirs liés à la défense de l’environnement. Plus précisément, elle contient 10 articles, dont un portant sur le « droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé », et un sur le devoir « de toute personne […] de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement ».

Pour certains, dont les membres de la Convention citoyenne s’étant prononcés en faveur de ce référendum, la modification de l’article 1 de la Constitution permettrait tout de même d’introduire un élément nouveau, à savoir le dérèglement climatique, absent de la Charte de l’environnement.

 

Selon Arnaud Gossement, avocat spécialiste en droit de l’environnement, il s’agirait au contraire d’un recul, pour deux raisons. La première est qu’à la différence de ce qu’indique la Charte de l’environnement, l’article 1 de la Constitution, s’il est modifié, n’engagerait pas « toute personne », mais « La République ». Or, selon lui, la responsabilité de la République ne peut pas être engagée, car elle n’est pas « un sujet de droit », contrairement à « toute personne », « c’est-à-dire vous, moi, ou encore une entreprise », a-t-il expliqué également au média le Huffington Post.

Par ailleurs, alors que la Charte de l’environnement évoque non seulement le devoir de préservation, mais aussi d’amélioration de l’environnement, l’article 1er de la Constitution, s’il venait à être réécrit, ne mentionnerait quant à lui que la préservation, laissant de côté l’importance de l’amélioration.

Enfin, selon certains spécialistes, la modification de l’article 1 de la Constitution n’introduirait pas de nouveaux droits, et n’empêcherait pas non plus l’introduction ou la réintroduction de lois néfastes pour l’environnement, comme cela a été le cas avec la réintroduction des néonicotinoïdes. La notion de droit à l’environnement est trop vague pour que des sanctions soient applicables en cas de non-respect de cette ligne de conduite.

La modification de l’article 1 : une portée symbolique et sociétale

Reste que pour beaucoup, l’inscription de la défense de l’environnement et de la biodiversité dans l’article 1er de la Constitution a une portée symbolique forte, et place ces notions sur le même plan que la laïcité, la démocratie ou encore l’égalité hommes-femmes.

Comme l’a expliqué le député LREM Jean-Charles Colas-Roy à France Info, « cela réaffirme les intentions de la France en matière d’environnement dès l’article 1 et cela permet un débat dans l’ensemble de la société ».

La modification de l’article 1 aurait donc non seulement une valeur symbolique, mais également sociétale, et pourrait ramener les questions environnementales au premier plan, en les intégrant au sein des débats et des familles et en entraînant une prise de conscience plus large de l’urgence climatique.

La rédaction de cette réforme doit en tout cas, pour avoir une réelle portée, être particulièrement minutieuse, comme l’explique Louise Tschanz, avocate en droit de l’environnement. Selon elle, c’est sur une rédaction précise que repose la valeur concrète de ce texte, qui doit être le plus clair possible pour empêcher les interprétations biaisées et permettre l’annulation de lois nuisibles à l’environnement.

Quoi qu’il en soit, ce référendum pourrait bien ne pas avoir lieu, en raison notamment d’un agenda très serré. Pour que le scrutin puisse se tenir avant la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron, le projet de réforme doit être présenté rapidement à l’Assemblée nationale et au Sénat, et approuvé dans les mêmes termes. Or le Sénat, qui a le dernier mot en matière de réforme constitutionnelle, a déjà refusé par deux fois depuis 2018 la réécriture de l’article premier de la Constitution.

Certains membres de la Convention citoyenne pour le climat craignent que ce projet de référendum ne devienne l’arbre qui cache la forêt. Le Président de la République s’était initialement engagé à transmettre au Parlement l’intégralité des propositions des 150 membres. En juin 2020, il avait finalement décidé d’en écarter 3, et d’autres ont par la suite été mises de côté. Alternativi a rejoint le collectif « Imagine on le fait », qui a pour objectif d’interpeler le président au sujet de ses engagements.