Écrans : les lunettes anti-lumière bleue sont-elles efficaces ? Lecture : 9 min
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Écrans : les lunettes anti-lumière bleue sont-elles efficaces ?

Au travail comme à la maison, le temps passé devant les écrans a considérablement augmenté. Les rayonnements émis par les ordinateurs, smartphones, tablettes et téléviseurs ne sont pas sans effets sur l’organisme. Un nouvel accessoire a donc fait son apparition chez les opticiens : les lunettes anti-lumière bleue ! Mais qu’en pensent les experts ? Sont-elles réellement efficaces ? Voyons de plus près ce qui se cache derrière ces lunettes de protection. Mythe ou réalité ?

La lumière bleue : qu’est-ce que c’est et quels sont ses effets sur l’organisme ?

La lumière naturelle à laquelle nous sommes exposés quotidiennement contient toutes les couleurs du spectre de l’arc-en-ciel. L’œil humain est sensible à ces longueurs d’ondes lumineuses.

 

La lumière bleue est une longueur d’onde courte avec une intensité énergétique élevée, à l’inverse du rouge par exemple. Elle favorise l’éveil, elle maintient le rythme circadien et participe à l’amélioration de l’humeur, de la mémoire et des fonctions cognitives.

La principale source de lumière bleue est le soleil. Mais les progrès technologiques ont amené dans nos quotidiens d’autres sources d’exposition qui subsistent à la tombée de la nuit : les écrans de téléviseurs, d’ordinateurs, de téléphones portables, de tablettes… Leur intensité est moindre que celle du soleil, mais la proximité est plus importante et le temps d’exposition est plus long. Il en résulte un bruit visuel qui peut contribuer à la fatigue oculaire numérique et perturber le sommeil.

En effet, il est prouvé scientifiquement que la lumière bleue retarde l’endormissement en inhibant la production de mélatonine. Mais il n’y a pas que le rythme chronobiologique qui est affecté par les longueurs d’onde de bleu violet. Les rayonnements émis par les écrans sont soupçonnés d’avoir des effets nocifs sur la vision, allant de la simple fatigue oculaire à l’irritation, et du vieillissement précoce de l’œil à la détérioration de la rétine.

 

Nombreuses sont les personnes qui après toute une journée de travail sur ordinateur ressentent une gêne allant parfois jusqu’aux picotements. Ce symptôme témoigne notamment d’un ralentissement du rythme de clignement des yeux devant un écran.

Le professeur Gilles Renard, directeur scientifique de la Société française d’ophtalmologie, souligne le point suivant : « On ignore quels sont les effets de la lumière bleu foncé en conditions réelles, mais l'on peut penser qu’elle est certainement toxique, surtout chez l’enfant dont la cornée et le cristallin, plus clair, laissent passer la quasi-totalité du bleu ».

C’est dans ce contexte que les lunettes anti-lumière bleue ont envahi le marché en étant présentées comme des solutions protectrices face à l’utilisation accrue des écrans. Pourtant, entre les opticiens et les professionnels de santé, les avis divergent quant à leur efficacité.

Que pensent les professionnels de santé des lunettes anti-lumière bleue ?

Les lunettes anti-lumière bleue contiennent des filtres censés bloquer ou absorber les ondes émises par les écrans et éviter également les troubles du sommeil. Elles sont vendues sans ordonnance à destination des personnes qui n’ont pas de troubles de la vision, mais qui travaillent beaucoup devant un ordinateur. Ces filtres sont aussi proposés par les opticiens en tant qu’option supplémentaire sur les verres de correction. Ils sont constitués de résine de synthèse et d’un traitement réfléchissant.

Les fabricants promettent des résultats à hauteur de 30 à 40 % de filtration de la lumière bleue. Mais face au manque de recul des études scientifiques sur le sujet, les professionnels de santé ne partagent pas tous cet avis et certains restent prudents dans leurs propos.

C’est ce que l’on peut retenir du discours de Corinne Dot, cheffe de service en ophtalmologie à l’hôpital Desgenettes à Lyon : « Les études déjà menées ne suffisent pas pour établir le bénéfice de ces protections […] Mais, le port de ces lunettes ne provoque pas d’effets délétères. Par conséquent, nous pouvons le recommander. »

Quant au professeur Gilles Renard, il est plus catégorique sur le sujet, estimant que le bénéfice est bien moindre que celui affiché par les opticiens. D’après lui, les lunettes anti-lumière bleue « ne filtrent pas toutes les longueurs d’onde problématiques, et elles ne parviennent à arrêter que 20 % environ de celles qu’elles atténuent : c’est très insuffisant pour pouvoir affirmer protéger l’œil ».

D’autre part, les ophtalmologistes pointent également du doigt le fait que se tourner vers les lunettes anti-lumière bleue peut être contre-productif. En effet, des maux de tête en fin de journée ou encore des douleurs périorbitaires ne sont pas forcément liées à une surexposition aux écrans. Ils peuvent aussi être des symptômes d’un défaut visuel non corrigé.

Dans le cas de la sécheresse oculaire également, les témoignages font état d’un confort supplémentaire grâce à l’utilisation de ces lunettes filtrantes. Mais l’hypothèse n’est pas confirmée, d’autant que le problème peut être traité avec d’autres moyens, notamment les larmes artificielles, les changements de position du regard et de l’écran...

Le marketing trompeur autour des verres anti-lumière bleue

Au-delà du pourcentage de protection non avéré, les professionnels de santé et les scientifiques tirent la sonnette d’alarme sur les pratiques commerciales qui entourent ces verres anti-lumière bleue.

En effet, alors que le taux de filtration des ondes lumineuses problématiques s’élèverait aux alentours de 20 %, certains opticiens usent de techniques de marketing trompeuses pour affirmer une efficacité à 100 %.

L’UFC Que Choisir signalait déjà cette pratique truquée il y a quelques années. Pour pousser à la vente de traitements anti-lumière bleue, certains opticiens vont alors proposer à leurs clients une démonstration à l’aide d’un laser. Ils vont pointer cette lumière censée reproduire celle des écrans vers une feuille de papier. Puis ils vont passer le verre filtrant sur le chemin du laser et le point lumineux va disparaître de la feuille.

Mais cette preuve n’en est pas une pour plusieurs raisons. Premièrement, le laser utilisé n’émet pas la même fréquence d’onde lumineuse que celle des écrans. La lumière employée pour le test est en réalité violette et elle apparaît bleue sur la feuille en raison du traitement azurant du papier.

 

D’autres campagnes publicitaires ambiguës laissent entendre que ces lunettes pour écran pourraient jouer un rôle préventif dans le cadre de la Dégénérescence Maculaire Liée à l’Âge (DMLA).

Le Professeur Éric Souied, spécialiste de cette maladie dégénérative de la rétine, s’insurge de ce genre de pratique douteuse rappelant que « c’est un argument marketing ! Aucun verre ne peut protéger contre cette maladie à 70 % génétique ».

 

 

Y a-t-il d’autres solutions pour contrer les effets du temps passé sur les écrans ?

Des fonctionnalités à activer directement sur vos appareils

Sylvie Zanier, professeure agrégée en physique à l’université Grenoble Alpes, et Julien Delahaye, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), ont étudié les fameuses lunettes de protection et reconnaissent également un marketing trompeur autour de ces traitements.

La professeure recommande plutôt l’utilisation des fonctionnalités déjà présentes sur les écrans d’ordinateur ou de smartphone pour réduire à la source l’émission de ces longueurs d’onde. Il s’agit alors des fonctions appelées « night shift », filtre bleu ou confort des yeux.

L’ANSES (l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire) préconise quant à elle des pauses régulières et l’arrêt des écrans à LED au moins deux heures avant le coucher pour ne pas perturber l’endormissement.

Le yoga des yeux contre la fatigue oculaire numérique

En ce qui concerne la fatigue oculaire liée aux usages du numérique, il est possible d’adopter quelques habitudes pour aider à détendre les muscles des yeux. La plus simple et la plus rapide est la règle des 20-20-20. Elle consiste à détacher le regard de l’écran d’ordinateur toutes les 20 minutes pour fixer pendant 20 secondes un point situé à au moins 20 pieds (soit 6 mètres).

Pour aller plus loin, le yoga des yeux est une sorte de gymnastique oculaire qui permet d’entraîner les muscles des yeux pour éviter la fatigue. Ces exercices assurent une détente oculaire et stimulent l’irrigation des yeux, réduisant ainsi les phénomènes de sécheresse et de picotements. Pour ressentir les bienfaits de cette pratique, il est important de réaliser les mouvements avec régularité.

 

Voici quelques exercices de yoga des yeux à effectuer régulièrement sans bouger la tête :

  • Portez votre regard vers le haut puis vers le bas
  • Regardez à droite puis à gauche
  • Faites des cercles dans le sens des aiguilles d’une montre puis dans le sens inverse
  • Fixez un point proche puis un objet un peu plus éloigné et enfin un autre encore plus loin et revenez au point de départ
  • Mettez votre index ou un stylo devant votre visage et fixez-le, puis rapprochez-le progressivement de votre nez avant de l’éloigner doucement à nouveau et ainsi de suite.

Il faut répéter au moins une dizaine de fois chaque mouvement. Entre deux séries, placez les paumes de vos mains sur vos yeux quelques instants pour être dans le noir. Il est préférable d’ôter vos lunettes pour pratiquer cette gymnastique oculaire. Enfin, n’oubliez pas de cligner des yeux régulièrement.

 


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