Huile de palme dans les biocarburants : l’Assemblée nationale a tranché Lecture : 5 min
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Huile de palme dans les biocarburants : l’Assemblée nationale a tranché

On a pu assister récemment à un véritable feuilleton à rebondissements concernant la présence de l’huile de palme sur la liste des biocarburants. L’Assemblée nationale a enfin rendu sa décision vendredi 15 novembre. Il est temps de faire le point sur la situation.

L’huile de palme sur la liste des biocarburants et les subventions qui en découlent ont toujours été une aberration pour les écologistes. En effet, la fabrication de ce substitut au gazole génère un énorme problème de déforestation, notamment en Asie du Sud Est. Plusieurs votes ont eu lieu à l’Assemblée nationale, où la décision de retirer l’huile de palme de la liste des biocarburants a été votée, puis reportée, puis de nouveau votée. Le point sur cette affaire dont l’enjeu est crucial.

L’huile de palme sur la liste des biocarburants : une aberration écologique

Le remplacement du gazole par un substitut écologique est désormais crucial. En effet, la nécessité de réduire les émissions de CO2 et les émissions de particules fines pour limiter le réchauffement climatique n’est plus à prouver.

Techniquement, il est tout à fait possible de remplacer le gazole issu d’énergies fossiles non renouvelables par un carburant fabriqué principalement à base d’huiles végétales qui n’engendre pas ou très peu d’émissions nocives pour l’environnement. Quelque temps envisagée comme une très bonne solution alternative, l’huile de palme, l’huile la moins chère du monde, avait été placée sur une liste de biocarburants donnant droit à de substantiels avantages fiscaux.

Mais en y réfléchissant un peu plus, les défenseurs de l’environnement ont vite dénoncé des effets secondaires catastrophiques à l’utilisation de ressources qui favorise la déforestation (huile de palme, soja…) ou qui rentrent en compétition avec la production mondiale de nourriture. Donc non, l’utilisation de l’huile de palme pour fabriquer un biocarburant, ce n’est pas une bonne idée.

Le lobbying du groupe Total exposé

Le groupe pétrolier Total est bien obligé de chercher une reconversion plus durable et plus verte vu la crise écologique actuelle. C’est pourquoi le groupe a implanté une bio raffinerie à La Mède dans les Bouches-du-Rhône. Cette fabrique de carburant à base d’huile de palme a ouvert en juillet dernier et a pour objectif de transformer 650 000 tonnes d’huiles et graisses par an.

Total a déboursé quelque 275 millions d’euros pour cette installation et comptait totalement sur les avantages fiscaux liés à la présence de l’huile de palme sur la liste des biocarburants pour rentabiliser la bioraffinerie. Ces avantages fiscaux se chiffrent autour de 70 millions d’euros. Pas étonnant que Total exerce toute sa puissance de lobbying sur les élus politiques depuis quelques mois.

Un véritable feuilleton politique à rebondissements

C’est en 2018, dans le cadre de l’examen en première lecture du projet de budget pour 2019, qu’a été voté pour la première fois l’exclusion de l’huile de palme de la liste des biocarburants dès 2020, contre l’avis de la majorité.

Puis, contre toute attente, un amendement a été voté dans la nuit du jeudi 14 novembre 2019 pour repousser cette mesure à 2026.

« Dans une séance de nuit à l’Assemblée nationale, je le dis dans une colère que vous sentez, profitant qu’il n’y avait pas grand-monde, on a prolongé l’avantage fiscal sur l’huile de palme jusqu’en 2026 », avait déclaré l’ancien ministre de l’Environnement, Nicolas Hulot. « Il n’y a eu aucun débat : sur un tel sujet, cela ne peut pas se passer comme cela », avait argué Matthieu Orphelin, député ex-LREM.

S’en est suivi un véritable tollé général qui a poussé le Premier ministre Édouard Philippe à annoncer une seconde délibération.

« Il a perçu le sentiment de frustration sur un débat qui n’a pas été assez nourri, pas assez en profondeur, pour un sujet qui n’est pas facile à trancher », a précisé son entourage.

Vendredi soir, à l’issue du second vote, les députés ont confirmé l’exclusion de l’huile de palme des biocarburants dès 2020.

Le gouvernement souhaite la mise en place d’un groupe de travail avec Total

Pour Total, c’est une très mauvaise nouvelle et cela remet en cause la viabilité de la bio raffinerie de La Mède.

« Nous nous sommes engagés dans cet investissement en 2015 en plein accord avec le gouvernement dans un cadre fiscal donné », plaidait Patrick Pouyanné son PDG en septembre dernier.

Le gouvernement a entamé des négociations avec l’entreprise et veut mettre en place un groupe de travail pour envisager une solution limitant les dégâts pour l’entreprise pétrolière.

« Ce que dit l’entreprise c’est qu’elle veut un délai pour adapter ses pratiques. Je crois qu’il faut qu’on regarde avec elle si c’est possible d’acheter de l’huile de palme qui ne déforeste pas », a déclaré la secrétaire d’État à la Transition écologique Emmanuelle Wargon sur CNews lundi. « Il y a des certifications sur ces produits comme sur d’autres, données par des ONG, par des organisations internationales. On a donc dit qu’on allait ouvrir un groupe de travail avec l’entreprise pour voir si c’est possible, mais en tout cas pour moi le signal est clair : “pas de signal à la déforestation” », a-t-elle continué.

Toutefois, pour les associations de protection de l’environnement, cela indique que la bataille n’est pas terminée. Elles soulignent en effet la complexité (l’impossibilité ?) de réellement se fournir en huile de palme produite dans des conditions durables et éthiques et dénoncent la fiabilité limitée des labels écocertifiants.