Les ciels européens sont témoins d'une danse migratoire qui s'opère plus tôt dans l'année. Un phénomène remarquable de plus en plus fréquent, conséquence directe des températures hivernales clémentes et du réchauffement climatique global. En effet, des ornithologues ont rapporté depuis le début du mois de février des passages significativement anticipés de différentes espèces d'oiseaux volant en direction du nord de l'Europe pour la saison de reproduction.
Des observations faites notamment dans le Gers ont mis en lumière des groupes conséquents de grues cendrées migrant audacieusement au-dessus du département dès la fin janvier. L'augmentation de la chaleur est soulignée par les records de température, la France ayant expérimenté les quinze jours de février les plus chauds depuis 1930. En conséquence, les voyageurs ailés sont incités à entamer leur trajet vers le septentrion bien avant la fin de l'hiver. Cette tendance n'est pas nouvelle puisque, selon l'Office français de la biodiversité, les oiseaux migrateurs arrivent sur le sol français avec une avance allant jusqu'à six jours par rapport aux années 1980. Une moyenne calculée pour environ une quinzaine d'espèces.
Une possible perturbation des écosystèmes
Si cette modification des habitudes migratoires offre une illustration poignante des effets du réchauffement climatique, elle pourrait entraîner des dysfonctionnements dans le cycle de vie et la taille des oiseaux. Comme l'explique Benoît Fontaine, biologiste au Muséum national d'Histoire naturelle, une arrivée prématurée, avant que l'hiver ne cède sa place, pourrait décaler la période de reproduction des oiseaux avec la disponibilité des ressources alimentaires essentielles. Pourtant, l'élévation des températures n'est pas la menace la plus critique pour ces espèces à l'avenir, mais plutôt les transformations de l'environnement agricole.
C'est l'agriculture intensive qui est pointée du doigt comme la principale coupable de la dégradation des sols et de populations aviaires en Europe. Une étude étendue et récente portant sur 170 espèces et impliquant le CNRS a révélé que l'utilisation d'engrais et de pesticides bouleverse les chaînes alimentaires et diminue les populations d'insectes dont s'alimentent les oiseaux. Cette étude, à laquelle 28 pays ont pris part, a établi que près de 20 millions d'oiseaux disparaissent annuellement sur le continent depuis près de quatre décennies.