Un moratoire sur la pêche sera effectif durant quatre semaines dans le golfe de Gascogne, touchant du Pays basque français à la Bretagne. Dès le 22 janvier et jusqu'au 20 février, cette suspension concerne près de 500 embarcations de pêche tricolores mesurant huit mètres ou plus et dotées de filets spécifiques, tout comme certaines flottes internationales. C'est une initiative visant à limiter la prise accessoire de dauphins et marsouins, un phénomène qui prend de l'ampleur sur la côte atlantique depuis 2016. Bien que cette décision ouvre droit à dédommagement pour les pêcheurs, elle déclenche un vif débat entre ceux-ci et les défenseurs de l'environnement, qui estiment la mesure insuffisante.
Impact de la suspension temporaire de la pêche
Dans cet espace marin, qui englobe plus de trois quarts des zones maritimes françaises de l'Atlantique, les navires équipés de chaluts pélagiques, chaluts de fond, filets maillants ou trémails sont interdits de pêche. Non applicable à l'ensemble des pêcheurs, elle touche néanmoins un nombre substantiel de bateaux locaux.
La genèse de cette mesure résulte d'un affrontement juridique prolongé, sollicité par des associations environnementales, qui a conduit à la demande du Conseil d'État au gouvernement pour la fermeture de larges portions de la pêche dans cette zone au moins le temps que le taux de mortalité des petits cétacés diminue de façon significative d'ici 2024.
"Suite à la saisie du Conseil d'État, le gouvernement avait décrété, en octobre dernier, l'interdiction de pêcher pendant un mois en 2024, 2025 et 2026 dans le golfe de Gascogne, toutefois, des dérogations étaient introduites. Elles furent suspendues en décembre, estimant qu’elles étaient trop extensives pour que la fermeture ait un effet notable sur les prises accidentelles, et puisse diminuer la mortalité de ces mammifères marins à un niveau viable," explique la haute juridiction.
Les enjeux pour les populations de dauphins
Cette mesure de restriction survient en réponse à une escalade des prises accidentelles de cétacés, en hausse constante depuis 2016 le long de la façade atlantique. Selon l'observatoire Pelagis, approximativement 1 500 cétacés auraient été retrouvés sans vie sur les plages françaises entre le début décembre 2022 et fin avril 2023. La saison hivernale semble représenter une période particulièrement critique.
"Pour chaque millier de cétacés échoués annuellement sur nos côtes, entre 5 000 et 10 000 dauphins périrent en réalité en pleine mer, leurs carcasses sombrant souvent et n'atteignant pas le rivage," souligne Olivier Van Canneyt du Pelagis sur le site du CNRS.
"Cette mortalité représente un taux de retrait anthropogénique annuel de 1 à 5%. C'est nettement plus que le seuil de mortalité additionnelle de 1% généralement admis comme supportable," d'après l'étude, alors que la population de dauphins dans le golfe de Gascogne est estimée à environ 200 000 individus durant l'hiver.
Soutien de l'État aux acteurs de la pêche
Face à cette interdiction, l'État a annoncé que des compensations financières seraient octroyées, allant de 80 à 85% du chiffre d'affaires pour les navires de huit mètres et plus soumis à cette contrainte, comme l'a souligné le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu. Ces aides seront attribuées au plus vite.
Les mareyeurs, acteurs cruciaux dans le traitement du poisson frais, chiffrent leurs pertes à plus de 60 millions d'euros et recevront un soutien financier calculé sur leur excédent brut d'exploitation jusqu'à concurrence de 75% de leurs manques à gagner. "Nous souhaitons conserver une industrie de la pêche française tout en alignant cela avec des nécessités de préservation de la biodiversité," a élucidé le ministre, tandis que les autorités maritimes promettent des patrouilles plus fréquentes pour assurer l'application de cette mesure.
Réactions diversifiées des pêcheurs et des ONG
Les professionnels de la pêche critiquent cette interdiction jugée sévère et s'inquiètent pour l'avenir du secteur. "Ce n'est pas en arrêtant nos navires qu'on parviendra à élaborer des solutions afin d'éviter ces prises malheureuses, qui sont d'ailleurs limitées," argumente Olivier Le Nézet du Comité national des pêches, évoquant des recours juridiques envisagés.
"L'impact sur l'ensemble de la chaîne, de la mer jusqu'au stand des poissonniers, est colossal. Pour le mareyage, c'est un véritable désastre," confie Frédéric Toulliou de l'Union du mareyage français, attestant de l'ampleur des dommages pour la filière.
Les ONG ayant interpellé le Conseil d'État saluent cette suspension des activités de pêche mais rappellent que des mesures plus strictes devront être envisagées pour assurer un avenir durable à ces espèces protégées, en ligne avec les recommandations scientifiques.