Greta Thunberg, la lutte contre la crise climatique dans la peau Lecture : 8 min
  1. Accueil
  2. News
  3. Portrait
  4. Greta Thunberg, la lutte contre la crise climatique dans la peau

Greta Thunberg, la lutte contre la crise climatique dans la peau

Devenue le symbole d’une génération aussi engagée qu’inquiète, Greta Thunberg a exhorté les dirigeants du monde entier à agir face à la crise climatique. Des grèves scolaires à l’âge de 15 ans à son discours à l’ONU lors de l’ouverture du Sommet Action Climat, retour sur le parcours de l’activiste écologiste suédoise, désignée personnalité de l’année 2019 par le Time Magazine. Portrait.

Porte-parole d’une génération engagée, Greta Thunberg a marqué les esprits avec ses discours audacieux et son franc-parler.

Un réveil écologique précoce

Née le 3 janvier 2003 à Stockholm, Greta Thunberg grandit aux côtés d’une mère chanteuse lyrique, Malena Ernman, d’un père acteur et réalisateur, Svante Thunberg, et de sa sœur Beata. Son père est un descendant de Svante Arrhenius, prix Nobel de chimie en 1903, qui fut l’un des premiers scientifiques à s’intéresser au lien entre le dioxyde de carbone et le dérèglement climatique.

L’enfance de Greta Thunberg est marquée par les déplacements de pays en pays au rythme des représentations de sa mère, et par les engagements humanistes de ses parents, qui recueillent notamment une famille de réfugiés originaires de Syrie en 2015.

À 11 ans, le visionnage en classe d’un documentaire sur la pollution la plonge dans une profonde angoisse. Cet épisode dépressif dure plusieurs mois, au cours duquel elle perd l’appétit et plonge dans le mutisme. C’est à ce moment que les médecins diagnostiquent chez Greta Thunberg le syndrome d’Asperger, un trouble du spectre de l’autisme.

Peu à peu, dotée de la conscience aigüe qu’il lui faut agir à son échelle, elle transforme son mode de vie et celui de sa famille : elle refuse les achats superflus, devient végane, arrête de se déplacer en avion.

Les grèves scolaires pour le climat

À 15 ans, Greta Thunberg décide de passer des initiatives individuelles aux actions collectives, pour provoquer une prise de conscience bien au-delà de son cercle familial.

Le jour de la rentrée scolaire à Stockholm, le 20 août 2018, après un été caniculaire, elle refuse de retourner en classe et entame une « grève de l’école pour le climat ». Devant le Parlement suédois, armée d’une simple pancarte et d’une grande détermination, elle appelle les politiques à sortir de l’inaction climatique et à respecter les engagements pris lors de la signature de l’Accord de Paris en 2015.

Pour initier ce mouvement, Greta Thunberg s’est inspirée de la grève scolaire menée par les élèves survivants de la fusillade de Parkland aux États-Unis, en février de la même année, qui avait pour but de réclamer une législation stricte au sujet du port d’armes.

« J’ai proposé à mes amis une grève hebdomadaire, tous les vendredis, mais personne n’a voulu me suivre […] alors j’ai commencé toute seule », déclarera-t-elle plus tard.

Elle n’aura pas à poursuivre seule très longtemps : rapidement, la presse locale, puis les médias nationaux s’intéressent à son action et lui donnent un écho important.

Les grèves scolaires pour le climat se poursuivent chaque vendredi et rassemblent des centaines de milliers d’élèves à travers le monde entier. Dès le mois de décembre 2018, ils sont plus de 20 000 à faire la grève dans 270 villes, du Japon à l’Australie en passant par le Canada, l’Allemagne ou encore la Belgique. Un an plus tard, en septembre 2019, 2 millions de personnes participaient aux grèves pour le climat, selon les estimations de The Guardian.

 

 

À la rencontre des dirigeants politiques

L’ampleur des grèves scolaires pour le climat braque les projecteurs sur Greta Thunberg, qui est invitée en décembre 2018 à la COP24 organisée à Katowice, en Pologne. Elle y livre un discours qui fera le tour du monde, dans lequel elle bouscule les dirigeants politiques en les mettant face à leurs responsabilités.

« Notre civilisation est sacrifiée pour permettre à une petite poignée de gens de continuer à gagner d'énormes sommes d’argent. Notre biosphère est sacrifiée pour que des personnes riches dans des pays comme le mien puissent vivre dans le luxe », déclare-t-elle.

Elle accuse les dirigeants de parler de « croissance économique verte et durable » par peur d’être « impopulaires ». « Vous n’êtes pas assez matures pour dire les choses comme elles sont. Même ce fardeau vous le laissez à nous, les enfants », assène-t-elle face aux responsables de 196 pays.

 

Dans les semaines et les mois qui suivent, Greta Thunberg est reçue par Barack Obama, Emmanuel Macron ou encore le pape François. Elle prend la parole devant le Parlement britannique et à l’Assemblée nationale.

 

Elle refuse d’effectuer ses déplacements en avion, et se rend au sommet sur le climat de l’ONU à New York en voilier. Elle y prononce un discours qui, là encore, restera célèbre.

 

« Des gens souffrent, des gens meurent, et des écosystèmes s'écroulent. Nous sommes au début d'une extinction de masse, et tout ce dont vous parlez c'est d'argent, et de contes de fées racontant une croissance économique éternelle. Comment osez-vous ? », déclare-t-elle, reprochant aux dirigeants politiques de ne pas être « assez matures pour dire la vérité ».

 

Surmédiatisation, critiques et prise de distance

La surmédiatisation dont Greta Thunberg est l’objet en fait également la cible de vives critiques. Certains pointent du doigt sa jeunesse, son syndrome d’Asperger, l’accusent d’être instrumentalisée par des lobbys verts, d’occuper plus de place dans les médias que les scientifiques, ou encore d’être manipulée par ses parents qui verraient dans ses prises de position une source de revenus.

Son franc-parler dérange autant qu’il fascine, tant l’audace de ses discours est inhabituelle dans les sphères politiques. En quelques mois, elle est devenue la porte-parole d’une génération entière.

« Nous sommes venus pour vous dire que c'est l'heure du changement, que ça vous plaise ou non », résume-t-elle lors de la COP24.

Dans un post publié sur son compte Facebook le 2 février 2019, elle s’adresse à ses détracteurs et démonte les rumeurs selon lesquelles elle serait instrumentalisée.

« Je fais ce que je fais complètement gratuitement, je n’ai reçu aucune somme d’argent ni aucune promesse de paiements futurs, sous quelque forme que ce soit. Et personne lié à moi ou à ma famille ne l’a fait non plus », explique-t-elle.

Elle répond également aux moqueries concernant son syndrome d’Asperger, le qualifiant de « don ».

En janvier 2020, elle se rend pour la deuxième fois au Forum économique mondial de Davos, où sa confrontation avec Donald Trump par discours interposés marque les esprits. Elle demande aux banques et aux gouvernements de cesser d’investir dans les énergies fossiles, tandis que Donald Trump appelle à « rejeter les éternels prophètes de malheur et leurs prédictions d’apocalypse ».

 

Aujourd’hui âgée de 20 ans, Greta Thunberg, un temps silencieuse, est réapparue dans les médias à l’occasion de la sortie d’un ouvrage collectif intitulé Le grand livre du climat. Si elle a pris ses distances avec l’activisme écologique, elle n’a pas pour autant renoncé à ses convictions.

Absente de la COP27 qui s’est tenue fin novembre 2022 à Charm el-Cheikh, elle explique vouloir désormais « passer le mégaphone à d’autres », notamment à ceux qui sont « les plus touchés par la crise climatique ». Elle compte poursuivre ses études et se dit très intéressée par « les questions de société ».

 

 

 

Photo : https://www.facebook.com/gretathunbergsweden/