Ingénieur, j’ai tout plaqué pour vivre au RSA Lecture : 11 min
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Ingénieur, j’ai tout plaqué pour vivre au RSA

Renaud Schira est toulousain. Il a décroché son diplôme d’ingénieur en BTP il y a quelques années. Pourtant, il a décidé de prendre un virage à 180° en consacrant sa vie à l’éveil des consciences via son association Inform’Action.

Renaud Schira est toulousain. Il a décroché son diplôme d’ingénieur en BTP il y a quelques années. Pourtant, il a décidé de prendre un virage à 180° en consacrant sa vie à l’éveil des consciences via son association Inform’Action.

Le contexte

Renaud était en enfant calme et prometteur. Il n’avait manqué de rien et avait un avenir tout tracé dans l’univers du bâtiment et travaux public, domaine dans lequel il poursuivait ses études d’ingénieur. Jeune adulte, il était comme la plupart des gens de son âge : il aimait les belles voitures, les marques et était plutôt adepte à la consommation en tous genres. Il possédait d’ailleurs une garde-robe d’environ 4 000 euros !

Renaud Schira

« Jusqu’à mes 20 ans, j’étais un pur produit du système : bon consommateur et bon travailleur. J’étais très matérialiste et avide de possessions. »

Son rêve était de s’accomplir en tant qu’ingénieur, de conduire une grosse voiture symbole de réussite sociale et de vivre dans un pavillon dont il serait propriétaire.

Un voyage qui a changé sa vie

À 20 ans, Renaud est parti en Nouvelle-Zélande pendant un peu moins d’un 1 an ans le cadre de ses études. Son niveau de vie a changé du tout au tout, puisqu’il n’avait que 300 dollars en poche chaque mois. Et pourtant, ce périple a été un élément déclencheur. En effet, le jeune homme y a rencontré des personnes remarquables, arrivants de tous horizons et de toutes nationalités. Ce partage vécu durant des mois lui a enseigné à quel point l’être humain est le fondement de toutes relations. C’est à ce moment qu’il prit conscience qu’un autre mode de vie était possible.

« J’ai pu découvrir qu’il existait plein d’autres manières de vivre et que notre vision surfaite de la consommation était un leurre. Le sens premier de l’existence en tant qu’être humain était qui j’étais et quelles valeurs je portais et non pas ce que je possédais. »

De retour en France, Renaud s’est senti grandi et enrichi de valeurs inexplicables. Symboliquement, il a décidé de vendre tous les vêtements de marque de sa garde-robe sur eBay, à un tiers du prix du neuf.

« En un sens, je ne possédais pas mes vêtements, c’est eux qui me possédaient. J’ai donc voulu me défaire de cette prison en vendant toutes les marques de ma garde-robe »

Un peu plus tard, Renaud perd un ami d’enfance atteint d’un cancer. Grandement touché et ciblant l’industrie agroalimentaire comme coupable, il s’est également mis à boycotter de nombreuses marques qui lui étaient pourtant chères. Entre autres, Coca-Cola, Mc Donald’s ne faisaient plus partie de ses priorités. Puis, il s’est également détourné des supermarchés, responsables pour lui d’un écocide à l’échelle mondiale. Il ne rêvait plus non plus d’acheter une grosse et belle voiture flambant neuf, mais a préféré rouler dans la 2 chevaux de son papa pendant 10 ans.

Un monde qui s’écroule et un changement de cap

Les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Durant ses études d’ingénieur, Renaud a été amené à visionner 500 documentaires sur divers sujets de société. C’est dans cet amoncellement de culture générale, qu’il a décelé des incohérences à ce qu’il avait toujours cru savoir.

« Je me suis rendu compte qu’en France, on façonne la réalité du monde dans un mensonge distillé à travers le système éducatif. »

Après le réveil culturel, Renaud a donc vécu un réveil intellectuel, ayant bouleversé toutes ses croyances. À partir de cet instant, il a cherché à comprendre par lui-même et à enrichir ses connaissances générales par le biais d’autres méthodes que la télévision ou les acquis qu’il avait appris sur les bancs de l’école.

Tout remettre en cause

« Lorsque l’on comprend que le monde dans lequel l’on vit est différent de ce que l’on a toujours cherché à vous enjoliver, on se sent perdu. »

Renaud a alors tout remis en cause : l’éducation parentale, scolaire, sentimentale, intellectuelle, etc. Ses repères se sont effacés, tout lui semblait faux et ses certitudes se sont envolées. Il s’est senti déraciné et parfois même, d’une certaine façon, trompé.

Mais cela ne l’a pas empêché de garder les yeux ouverts sur ce qu’il avait vu. Et c’est alors que tout naturellement, le changement s’est opéré de lui-même : dans les relations, dans le comportement, dans le rapport avec la société en général, etc. Reconstruire des certitudes était une étape clé. Mais le chemin était long et semé d’embuches… L’entourage, ce cocon protecteur, avait aussi changé. Bien que toujours bienveillants à son égard, ils ne le comprenaient plus et n’accordaient aucun crédit à ses dires.

« Je voyais bien que la réalité du monde que j’étais en train de reconstruire mettait en péril mes relations amicales, familiales et professionnelles. Je me suis senti isolé parce qu’incompris. »

L’incompréhension étouffante

Conscient que son voyage et ses visionnages n’avaient changé que lui, Renaud s’est senti investi de partager son expérience. Mais celle-ci n’avait pas été reçue de la façon dont il espérait. Désintérêt, refus d’écouter, remarques négatives, etc. sont venus entacher son rêve de changement.

« Mon choix de vie était devenu totalement alternatif et j’étais donc en marge de ce qu’imposait la société. C’est à ce moment que j’ai senti sur mes épaules ce que l’on appelle la pression sociale. »

Durant près de 2 ans, le fait de vouloir persuader les gens l’a isolé socialement. À plusieurs reprises, Renaud a pensé à revenir dans le moule de la société classique. La pression sociale y contribuait fermement.

Le fardeau de la solitude réveille la colère

« Lorsque l’on ne pense plus comme la majorité, que l’on décide de ne plus vivre comme tout le monde, etc., la société vous exclut. »

Renaud a vécu cette exclusion et cet isolement. Il a souhaité finir ses études, mais trouver des personnes avec qui discuter et débattre était complexe. Durant un an, Renaud a tutoyé la dépression.

« Cet isolement était très difficile à vivre, car je porte dans mes valeurs l’échange, le lien et l’amour et mon entourage était devenu très obtus à tout cela. »

L'ouverture d'esprit

Terré dans sa solitude, un troisième sentiment est venu envahir Renaud : celui de la colère. La colère envers ces gens qui refusaient qu’il puisse changer. La colère de ne pas réussir à s’exprimer sans être montré du doigt. Intelligemment, il a transformé ce sentiment en force, celle qui lui a donné envie d’agir. Renaud a alors décidé de prendre le problème à contre-pied et de s’ouvrir encore plus aux autres. Il se disait qu’en dépit des désaccords, il arriverait à son tour à faire germer quelques petites graines dans les esprits des gens, ne serait-ce qu’en leur parlant.

« Je savais qu’on était tous différents et que certains ne seraient pas touchés de la même façon. Mais j’avais cette envie de réveiller les consciences de certaines personnes malgré tout. Pourtant, aucun de mes proches ne s’intéressait à ce que je faisais. C’était même presque tabou alors que j’y consacrais un double plein temps. »

Une force d’esprit insoupçonnée

« Je viens d’une famille catholique chrétienne et même si aujourd’hui, je ne me considère ni catholique ni chrétien, j’ai foi en l’existence et je me dois pour respect pour mes frères et sœurs qui vivent dans des conditions précaires, de continuer de croire en moi et de porter mon projet d’un monde meilleur. »

Renaud a vécu sa plus grande complexité au travers des yeux de sa famille. Bien que celle-ci ne comprenne pas son choix, il avait réussi à se montrer tellement pugnace qu’elle a été présente pour assurer sa sécurité tant financière que juridique, sentimentale, etc. Une main tendue qu’il ne cesse de remercier quotidiennement, même si à certains moments, ils ont pu douter de lui.

Continuer à marcher sur ce chemin parallèle a été très difficile. À maintes reprises, Renaud a pensé à chercher du travail dans un bureau d’études, mais un mental d’acier lui avait permis de tenir. Et cette force, il la puisait dans l’empathie.

La prise de conscience à grande échelle

Il a fallu une dépression et près de 3 ans pour qu’il entame véritablement son projet de reconversion. À la fin de ses études d’ingénieur, il avait lancé un projet bêta à titre individuel. Il avait copié les 500 reportages qu’il avait visionnés sur DVD. Puis dès qu’il en avait l’opportunité, il descendait dans la rue interpeller des passants pour échanger avec eux. Renaud offrait le DVD aux personnes intéressées.

L'information à porté de tous

« Je me lève chaque matin en m’émerveillant de la vie. J’aime la vie, j’aime l’humanité et j’ai foi en elle. »

L’intérêt suscité lui a donné envie de mettre en place cette volonté sous couvert d’une association. C’est ainsi qu’Inform’Action est née il y a maintenant 7 ans. Un site internet qui diffuse en permanence des informations recueillies auprès de divers médias (mainstream, blogs, sites, reportages vidéo, etc.), des ateliers organisés et/ou couverts par l’association, des réseaux sociaux qui rassemblent une grande communauté, Inform’Action a donné vie au rêve utopique de son fondateur.

Après 10 ans d’éveil, l’heure du bilan…

Aujourd’hui, Renaud est heureux et fier de lui. Un sentiment que beaucoup de personnes ne peuvent pas réellement proclamer. Aux yeux de la société, il n’est qu’un demandeur d’emploi de longue durée. Il vit du RSA et pourtant, son travail associatif lui demande plus de 70 heures par semaine. Sa pugnacité et son envie de partager ont été sans faille depuis toutes ces années.

Il ne cherche plus de reconnaissance ni d’existence à travers le regard des autres. Son travail porte ses fruits puisque Inform’Action dispose aujourd’hui d’une aura importante sur le net et les réseaux sociaux. Les divers événements motivés par l’association sont bien suivis et supportés par de nombreux partenaires, compagnons de route et citoyens.

Informaction expo

« Aujourd’hui, je suis heureux 99 % du temps. Sans égocentrisme, j’ai beaucoup d’amour propre pour ma personne, car je suis fier de qui je suis, de ce que je fais et je souhaite être fier de ce que je vais devenir. J’ai fait un choix que j’assume à chaque seconde de ma vie. »

En réalité, Renaud est devenu plus qu’il n’avait jamais espéré. Il a su se défaire de ses liens pour renaître en tant qu’être au sein d’une société conformiste. Grâce à cette initiative, il a pu endosser de multiples casquettes dans son quotidien : journaliste, infographiste, communicant, logisticien, coordinateur, RH, etc. Inform’Action lui a permis de dévoiler de nombreuses facettes de sa personnalité et il reste persuadé que l’Homme peut tout faire du moment qu’il en a l’envie et la conviction.

Exposition d'informations

« Je me suis découvert des capacités et des ressources que je n’imaginais même pas ! »

12 ans plus tard, l’envie d’ouvrir les esprits est toujours présente. Renaud évolue dans ce qu’il estime être une vie idéale, même si la route est encore très longue.

Inform'Action

« Je ne cherche plus à recevoir de reconnaissance de la part de mon entourage et me sens heureux d’être différent. Je rêve de pouvoir construire une société différente et collective. C’est le travail de ma vie. »

Les erreurs faites et les embuches vécues ont façonné la personne qu’il est devenu. Renaud referait exactement le même parcours s’il avait le choix de repartir en arrière. La seule chose qu’il espère dans un futur proche reste un éveil citoyen à grande échelle, pour la construction d’un monde plus équitable et plus juste.

Conférences Informaction

« Je rêve d’un nouveau Monde avec plus de sens, plus de valeurs et plus d’équité. Et je travaille en ce sens. Les générations futures poursuivront ce dur labeur. Le monde est en train de changer. Il faut croire en sa première intuition. Elle est souvent la voie à suivre. »

 

Pour découvrir un peu plus Inform'Action, voici une interview plus longue de Renaud Schira, fondateur.

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