José Alberto Mujica Cordano : lutter contre la misère et l’injustice Lecture : 6 min
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José Alberto Mujica Cordano : lutter contre la misère et l’injustice

Rien ne semblait prédestiner José Alberto Mujica Cordano à gravir les marches du pouvoir jusqu’à la plus élevée, celle du 1er homme de la nation uruguayenne. Portrait d’un « vieux guerrier » toujours fidèle à ses convictions : lutter contre la misère et l’injustice.

José Alberto Mujica Cordano, un révolutionnaire surnommé Pepe Mujica qui deviendra Président de l’Uruguay à l’âge de 75 ans.

Une entrée fulgurante dans la guérilla urbaine

Né en 1935 dans une famille modeste, orphelin de père à l’âge de 6 ans, José Alberto Mujica Cordano est élevé par sa mère, femme pétrie de convictions politiques de droite qui font d’elle un soutien sans faille du Parti National. C’est l’époque où l’Uruguay entame une réforme sociale très avant-gardiste. Cette période florissante se termine dès la fin de la Seconde Guerre mondiale et, dans les années 1960, l’Uruguay connait un net ralentissement de son économie et une inflation galopante.

Cette année-là, José Alberto Mujica Cordano s’engage dans la politique aux côtés d’anarchistes et d’activistes sociaux et, en 1966, il forme avec Raúl Sendic, le Mouvement de libération nationale-Tupamaros (MLN-T), un mouvement de gauche qui rassemble des militants venus de différents horizons (socialistes, communistes, anarchiste…).

 

José Alberto Mujica Cordano est alors un membre progressiste du parti conservateur Partido blanco. Leur mot d’ordre est « les paroles divisent, mais l’action unit ». C’est la raison pour laquelle, les Tupamaros choisissent l’engagement armé, leur objectif premier étant de lutter contre les agressions de groupes paramilitaires d’extrême droite et de protéger le peuple.

Pourtant, l’Uruguay est encore un pays où règne une certaine harmonie et une paix sociale. D’ailleurs, le jour de sa visite en Uruguay en 1961, le Commandant Che Guevara, alors ministre cubain de l’Industrie, affirme que « L’emploi de la forme armée est l’ultime recours des peuples ».

En fait, les Tupamaros sont plus rusés que violents et les opérations qu’ils mènent sont surtout destinées à ridiculiser le régime autoritaire de Jorge Pacheco Areco. Ce sont essentiellement des combats urbains, l’absence de reliefs montagneux et de vastes forêts qui caractérise l’Uruguay n’offrant pas une topographie propice à une véritable guérilla.

8 octobre 1969 : le premier fiasco des Tupamaros

Ce jour-là, le mouvement a décidé de prendre la ville de Pando, une commune uruguayenne relativement peu peuplée, mais qui présente deux avantages : sa proximité de la capitale, puisqu’elle se situe à 30 km de Montevideo et sa popularité en raison de son caractère industriel.

Les guérilleros portent tous un brassard blanc pour être certains de s’identifier facilement. En tant que cadre du MLN-T, José Mujica et Raúl Sendic se tiennent à la tête de l’opération qui comporte 49 guérilleros. Tous se dirigent vers les objectifs qu’ils se sont assignés, à savoir s’emparer de la caserne des pompiers, du commissariat, du central téléphonique et de trois établissements bancaires d’où ils ressortiront après s’être fait remettre 240 000 dollars.

Si l’opération se déroule plutôt bien, puisqu’elle ne cause que la mort d’un civil tué par un policier, la retraite est un véritable fiasco : 19 guérilleros sont arrêtés, dont Eleuterio Fernández Huidobro, l’un des principaux meneurs du mouvement, et 3 sont exécutés. Cette fin tragique ne diminue en rien le soutien au mouvement jusqu’en 1970, même lorsque Dan Mitrione, un espion nord-américain est enlevé et assassiné. Mais la succession de faits violents finit par entamer la confiance que l’opinion publique porte au mouvement. De plus, par peur des représailles, certains militants se rapprochent des autorités et trahissent le mouvement en révélant des informations de première importance.

Par la suite, José Mujica est également arrêté et s’évade de la prison de Punta Carretas le 6 septembre 1971, au moment où la campagne électorale bat son plein. Puis, il est arrêté une 2e fois et s’évade à nouveau, avant d’être définitivement mis sous les verrous. Commence alors pour lui des années d’enfer, car à partir de l’année 1972, les forces armées uruguayennes généralisent l’usage de la torture.

La fin des Tupamaros et le début de longues années d’emprisonnement

Le 27 juin 1973, le pouvoir civil est mis sous tutelle par les militaires avant d’être confisqué dans son intégralité en 1976. José Alberto Mujica Cordano est devenu un « prisonnier otage ». Il est mis à l’isolement total, torturé quotidiennement, retenu pendant 2 ans au fond d’un puits, jusqu’en 1985 où il sort enfin de cet enfer.

De la prison à la présidence de la nation uruguayenne

Les années de prison n’ont rien enlevé de sa pugnacité et José Alberto Mujica Cordano reprend son combat, mais d’une manière plus pacifique. En 1994, il est élu député puis sénateur en 1999. Son activité d’homme politique ne l’empêche pas de continuer à exercer le métier d’agriculteur.

En 2005, il obtient le poste de ministre de l’Agriculture durant le gouvernement Vásquez. Puis il remporte la primaire présidentielle au sein de la coalition de gauche du Front large et gagne en 2010 l’élection présidentielle contre Luis Alberto Lacalle, candidat du Parti national. Celui que l’on nomme désormais Pepe Mujica restera au pouvoir jusqu’en 2015, la Constitution uruguayenne n’autorisant pas le renouvellement d’un mandat présidentiel.

Pendant ses années à la tête du pays, il met en pratique toutes ses convictions. Ainsi, il décide de continuer à vivre dans sa ferme et en 2012, lors d’un épisode de grand froid, il accueille les sans-abris dans le Palais présidentiel. Il refuse les voitures de fonction et fait don de 90 % de son salaire mensuel à des associations caritatives.

 

 

José Alberto Mujica Cordano, un homme qui restera engagé jusqu’à son dernier souffle

À la fin de son mandat présidentiel, Pepe Mujica reste en politique et siège au Sénat jusqu’en 2020. Il est alors âgé de 85 ans et souffre d’une maladie immunitaire.

Le jour de son départ, il déclare devant le Sénat « Cette situation m’oblige, avec beaucoup de regret pour ma profonde vocation politique, à vous demander de gérer ma démission ».

Quel message peut-on retenir d’une vie si bien remplie jusqu’à aujourd’hui ?

« Soit on est heureux avec peu de choses sans trop s’encombrer, car le bonheur on l’a en soi, soit on n’arrive à rien. Je ne fais pas l’apologie de la pauvreté, mais l’apologie de la sobriété » (extrait de l’interview de Pepe Mujica dans le film documentaire Humans de Yann Arthus-Bertrand).

 


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