Le rêve d’un steak d’insecte : entre idéalisme et résistance culturelle
Dès le début, l’idée était séduisante. Remplacer la viande rouge, grande émettrice de gaz à effet de serre 💨, par une source de protéines plus durable, c’est un peu le Graal des écologistes et des nutritionnistes. Des études scientifiques ont largement vanté les qualités nutritives et environnementales des insectes 🦗🐛 🐜.
Mais la réalité du terrain est tout autre. En France comme dans de nombreux pays occidentaux, l’idée même de croquer un criquet ou de tartiner des vers de farine reste culturellement rebutante. L'effet beurk 😖, comme l’appelle joliment Libération, est un frein massif à leur adoption.
Ce réflexe culturel pèse lourd : 72 % des Français affirment ne jamais vouloir consommer d'insectes, même transformés ou camouflés dans des aliments classiques.
Le poids du marketing et des usages alimentaires
Les industriels ont bien tenté de contourner la répulsion en transformant les insectes en poudre, intégrée à des barres, crackers ou pâtes. Mais le marketing a peiné à faire avaler la pilule : entre les emballages trop techniques, les mentions "teneur en vers de farine" un peu trop visibles, et des prix encore bien au-dessus des protéines végétales classiques, la sauce n’a pas pris.
Et en face ? Les alternatives végétales 🥦 🥗, elles, cartonnent. Tofu, seitan, pois-chiche ou protéines de soja texturées séduisent bien plus facilement. Pourquoi ? Parce qu’elles ressemblent déjà à ce que l’on connaît, s’intègrent dans des plats familiers (curry, bolognaise, nuggets) et ne viennent pas heurter frontalement nos codes culturels.
La promesse écologique ne suffit pas toujours
C’est un paradoxe bien connu des communicants écolos : avoir "raison" ne suffit pas à convaincre. Le discours très techno-centré sur l’efficacité environnementale des insectes n’a pas suffi à contrebalancer le rejet émotionnel. Manger durable, oui, mais pas au prix d’un plaisir de manger perçu comme menacé.
S’ajoute à cela une question de cohérence : comment promouvoir la consommation d’insectes élevés industriellement, alors que l’on cherche en parallèle à limiter la souffrance animale, même chez les plus petits ? La question de l’éthique commence aussi à se poser pour les insectes. Certaines voix, notamment dans les milieux végans, refusent cette solution au nom du respect du vivant sous toutes ses formes.
Les enfants, ces prescripteurs… pas si prêts à croquer du criquet
On aurait pu penser que les jeunes générations, plus sensibles aux enjeux environnementaux, se montreraient plus ouvertes. Mais les tentatives d’introduction d'insectes dans les cantines scolaires se sont souvent soldées par des refus, voire des scandales. Résultat : la peur du rejet social (et de la mauvaise presse) a freiné bon nombre d’initiatives, aussi bien publiques que privées.
Et comme souvent en matière alimentaire, ce sont les enfants qui dictent ce qui rentre (ou pas) dans le frigo familial. Autant dire que si Hugo refuse de manger ses spaghettis au grillon, le pari est perdu d’avance.
Une filière coûteuse, incertaine et peu démocratisée
Au-delà du rejet symbolique, la filière elle-même peine à se structurer. Les élevages d’insectes nécessitent un savoir-faire encore rare, des infrastructures spécifiques et une régulation stricte. Le coût de production reste élevé, et les investissements massifs n’ont pas encore trouvé leur rentabilité.
Face à cela, les légumineuses et céréales 🫘 ont un avantage logistique : elles sont déjà partout, connues, transformables à souhait, bon marché et acceptées culturellement. L’insecte, lui, reste un ovni dans nos rayons. Un ovni qui ne fait pas vendre.
L’avenir des insectes : niche culinaire ou oubli programmé ?
Faut-il pour autant enterrer les insectes ? Pas forcément. Dans certaines cultures où ils sont déjà consommés traditionnellement, ils restent une source d’alimentation précieuse. En France, ils pourraient survivre sous forme de produits de niche : chips au grillon pour les aventuriers gastronomes, poudre protéinée pour sportifs curieux… mais sans ambition de remplacement massif de la viande.
La transition alimentaire ne passera pas (seulement) par les insectes
L’échec des insectes comme alternative à la viande illustre bien les limites d’une approche trop technique, trop brutale, et pas assez connectée aux émotions et habitudes culturelles. On ne change pas l’alimentation d’un peuple à coups d’infographies sur l’empreinte carbone d’un steak 🥩.
Si l’envie de mieux manger, plus durablement, plus éthique, est bel et bien là, la transition doit se faire avec douceur, familiarité, plaisir et bon sens.
FAQ Insectes VS Viandes
- Pourquoi les insectes ne remplacent-ils pas la viande en Occident ? Le frein est avant tout culturel : dans nos sociétés, l’entomophagie suscite encore un fort dégoût. Malgré le potentiel nutritif, "les habitudes alimentaires se modifient très lentement".
- Quel est l’intérêt environnemental réel des insectes ? Les insectes exigent nettement moins de ressources : pour 1 kg de protéine, ils nécessitent autour de 2 kg d’aliments, contre environ 8 kg pour le bœuf. De plus, leurs émissions de gaz à effet de serre sont dérisoires : souvent 1 % de celles des ruminants.
- Et au niveau nutritionnel ? Riches en protéines, acides aminés essentiels, minéraux (fer, calcium) et vitamines, les insectes rivalisent fortement avec la viande, les œufs ou le lait avec seulement peu de lipides.