La fonte du glacier de l’apocalypse Thwaites : une menace pour le climat Lecture : 7 min
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La fonte du glacier de l’apocalypse Thwaites : une menace pour le climat

Récemment, le « glacier de l’apocalypse » a présenté des signes de fractures, est-ce un signe d’une menace contre le climat ? La fonte de l’immense glacier Thwaites en Antarctique pourrait augmenter le niveau de la mer, menaçant de nombreuses îles de submersion.

L’état du glacier Thwaites inquiète les glaciologues, qui préviennent sur les conséquences dramatiques en cas de fonte de l’immense bloc de glace. Situé à l’ouest du continent Antarctique et surveillé par les scientifiques depuis de nombreuses années déjà, le glacier Thwaites, aussi appelé « glacier de l’apocalypse », n’est pas loin de franchir un point de bascule.

Le bloc qui freine ce géant de glace se fragilise et pourrait « éclater comme un pare-brise de voiture » selon les glaciologues qui s’alarment sur les conséquences de ce scénario. La fonte de ce glacier entraînerait une élévation du niveau des mers d’au moins 65 cm, mais pas seulement. La réaction en chaîne de cette catastrophe engendrerait un effondrement des autres glaciers de l’Antarctique occidental. Il serait alors question non plus de centimètres, mais de plusieurs mètres supplémentaires à venir. Ce point de non-retour pourrait être franchi d’ici quelques années seulement. Le seul espoir réside dans la réduction des gaz à effet de serre afin de contenir le réchauffement climatique. Explications.

 

Un constat à prendre au sérieux sur l’état du glacier

Il figure parmi les plus gros glaciers de l’Antarctique de l’Ouest, mesurant 120 km de large, 600 km de long et 3 km de profondeur. Une superficie équivalente à celle de la Grande-Bretagne. Cette immense zone de glace fait l’objet d’une surveillance accrue des scientifiques depuis de nombreuses années, via des satellites et des données issues de radars souterrains.

La glaciologue Catherine Ritz, directrice de recherche au CNRS à l’institut des géosciences de l’environnement de Grenoble, rappelle en effet que « cela fait au moins trente ou quarante ans que les théoriciens ont souligné que ce glacier était vraiment le talon d’Achille de l’Antarctique de l’Ouest ».

Toute cette région perd en masse et en volume de glace depuis un moment maintenant. Chaque année, le géant Thwaites déverse 50 milliards de tonnes de glace dans l’océan, mais les répercussions sur le niveau des mers sont, pour l’instant, minimes. En effet, dans le bassin de drainage du glacier, une immense plateforme de glace sert encore de contrefort. Et c’est précisément elle qui inquiète les glaciologues.

Ces derniers insistent sur le fait que « l’effondrement final de la dernière plateforme glaciaire de Thwaites, qui représente un tiers du glacier, pourrait débuter par le croisement de fissures et de crevasses cachées dans un délai aussi rapide que cinq ans ». Car cette partie flottante est fragilisée et pourrait « se fracturer comme un pare-brise de voiture », comme l’explique le Dr Erin Pettit de l’Université d’Etat de l’Oregon.

D’un autre côté, sous la surface, la ligne de fond qui maintient Thwaites sur le socle rocheux est de plus en plus mince et recule à grande vitesse, environ 2 kilomètres par an, sous l’effet des courants chauds. Bien que naturellement présents dans les mers, ces courants océaniques se retrouvent de manière inhabituelle au contact du glacier sous l’effet du réchauffement climatique et des variations de masses d’air que cela entraîne au-dessus de l’Antarctique. Conséquence, le glacier perd de l’adhérence sur sa ligne d’ancrage.

 

Les pires scénarios sont envisagés quant à l’évolution de Thwaites

Surnommé « le glacier de l’Apocalypse » ou encore « le talon d’Achille de l’Antarctique », Thwaites est dans un état alarmant, non loin de franchir un point de non-retour.

« On parle d’un petit seuil qui se trouve en amont de là où il se met à flotter. S’il passe ce point de bascule, il n’y aura plus rien pour l’arrêter […] S’il s’effondre, cela va entraîner une très grande masse de glace, et faire grimper de 1 à 2 mètres le niveau des mers à une échéance de quelques siècles », explique la climatologue Catherine Ritz.

Les modélisations scientifiques indiquent que les fracturations et fissures s’accélèrent sur et sous le bloc de glace qui retient Thwaites comme un gigantesque bouchon. À ce rythme effréné, cette plateforme de sécurité va commencer à céder dans les 3 à 5 prochaines années. Le risque étant que cette déstabilisation entraîne la fonte de l’ensemble du glacier. Ce qui aurait pour conséquence d’élever le niveau des mers de 65 centimètres au moins.

Mais l’effondrement de Thwaites pourrait ne pas en rester là, car il représente lui-même un pilier pour les glaciers situés aux alentours. Le Pine Island Glacier est d’ailleurs entré lui aussi dans ce cercle vicieux. Or l’Antarctique de l’Ouest contient un volume de glace capable d’occasionner une hausse du niveau des océans de plus de 3 mètres.  

Sans compter qu’un tel dérèglement des glaciers de l’Antarctique occidental ne serait pas sans effet sur la fonte d’une autre zone polaire essentielle qu’est le Groenland. Ces prévisions pourraient mettre des dizaines ou des centaines d’années à se réaliser, mais elles sont très préoccupantes.

 

Les conséquences à l’échelle planétaire d’une fonte du « glacier de l’Apocalypse »

Ce qu’il faut bien comprendre c’est que ce phénomène qui semble loin en termes de géographie et de temporalité aura tout de même des répercussions qui seront ressenties partout. Gonéri Le Cozannet, ingénieur chercheur au Bureau de Recherches géologiques et minières (BRGM), rappelle que la montée des eaux au niveau mondial est déjà estimée à une vingtaine de centimètres d’ici 2050, sans l’effondrement du glacier Thwaites.

Les projections actuelles entraîneront déjà une « submersion à marée haute de ports et d’infrastructures côtières dans la plupart des régions habitées du globe », notamment dans « les zones basses, telles que les grands deltas asiatiques, les zones basses d’îles tropicales, les estuaires, ou des plaines côtières telles que le Languedoc en France ». Une aggravation des phénomènes climatiques, inondations, tempêtes et cyclones est également à prévoir.

Mais la menace qui plane sur « le glacier de l’Apocalypse » est celle d’un dépassement encore plus rapide et catastrophique de ces prévisions, atteignant une hausse de 4 mètres du niveau de la mer aux horizons 2150.

« Le problème d’un tel scénario de fonte, c’est que le temps risque de manquer pour planifier, financer et mettre en place les mesures de protection » souligne l’expert du BRGM.

Les colonies de manchots empereurs qui vivent autour de l’Antarctique sont alors autant en danger d’extinction que certaines zones côtières de France.

 

Les actions nécessaires pour limiter les dégâts

La surveillance du glacier a déjà conduit au développement d’une application interactive par la Collaboration internationale sur le glacier de Thwaites. Et prochainement un robot sous-marin autonome plongera pour des missions de repérage et de recueil de données supplémentaires sur la température, les courants et autres facteurs qui interviennent sur la fonte du glacier.  

Mais pour contenir ces désordres climatiques à un seuil minimum et éviter le pire scénario, il est impératif de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour réussir à ne pas dépasser les +1,5 °C fixés comme objectif des accords de Paris. La COP26 a d’ailleurs souligné que le rythme actuel des gros pollueurs doit impérativement changer pour ne pas atteindre les +2,4 à 2,7 °C d’ici la fin du siècle.

Catherine Ritz nous rappelle également que « l’océan austral est le premier piège de chaleur et de CO2 de la planète » et « au-delà de 2 °C, nous entrons dans une zone d’incertitude ».

 

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