"Nous devons outiller les jeunes générations avec la compréhension nécessaire face à la complexité des problématiques climatiques. Les informations erronées pullulent sur le web. En ouvrant le débat en classe, nous leur offrons un contrepoids aux idées reçues et aux théories du complot." Ainsi s'exprime David Boudeau, président de l'Association des professeurs de biologie et de géologie, sur le rôle essentiel de l'éducation face au réchauffement climatique. Une tendance à l'intégration de l'écologie dans les cursus scolaires se dessine progressivement.
À titre d'exemple, La Fresque du climat a su, depuis sa création en 2018, former 300 000 étudiants sur les effets et origines du changement climatique. Un événement dédié, "J'peux pas, j'ai climat", est organisé annuellement par l'Agence du service civique et l'Agence de la transition écologique (Ademe), en partenariat avec Unis-Cité. Cette initiative permet aux volontaires de se joindre aux institutions éducatives afin d'animer des sessions de sensibilisation pour les jeunes.
L'inclusion de l'éducation au développement durable (EDD) dans les programmes éducatifs n'est pas récente. Elle remonte à l'année 1977 sous la dénomination "éducation à l'environnement" avant d'évoluer en 2004 vers l'EDD. Comme le rappelle un rapport parlementaire publié en décembre 2023, des modifications significatives ont été instaurées dans tous les cycles éducatifs après une sollicitation dirigée en 2019 vers le Conseil supérieur des programmes par le ministère de l'Education nationale, précise Anne-Françoise Gibert, spécialiste en culture scientifique et durabilité au sein du réseau Canopé.
Dès la grande section maternelle, les programmes imposent désormais aux enseignants d'apprendre aux enfants à se comporter de manière respectueuse vis-à-vis de l'environnement. Cela se manifeste par des gestes simples comme éteindre la lumière en quittant une salle ou trier correctement ses déchets. Au niveau du lycée, les élèves de terminale abordent des thèmes liés au climat au sein de l'enseignement scientifique, tels que "Science, climat et société", "Le futur des énergies" et "Une histoire du vivant".
La nécessité d'interdisciplinarité face à l'urgence climatique
Le changement climatique constamment plus palpable, accentue le besoin d'actions immédiates. Dans le secondaire, les programmes scolaires incluent des discussions sur les rapports du Giec et les conférences sur le climat. Toutefois, les manuels mentionnent insuffisamment les impacts sur la biodiversité et l'interdisciplinarité, dans l'objectif d'inclure la problématique climatique dans toutes les disciplines, s'avère complexe à réaliser d'après David Boudeau.
"Les matières sont souvent enseignées indépendamment les unes des autres, ce qui inclut l'éducation au développement durable," constate Anne-Françoise Gibert.
Les syndicats, tels que SUD Éducation, relèvent une incohérence dans les supports pédagogiques et appellent à une redéfinition complète des programmes éducatifs qui reposent sur un modèle de croissance économique dépassé. Pour eux, la mise en valeur exagérée de la technologie comme solution unique à la crise écologique est contraire aux conclusions du Giec, qui préconisent plutôt la sobriété et la réduction de la consommation des énergies fossiles.
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— SNES-FSU (@SNESFSU) February 4, 2024
Pour l’École publique, un plan d’action dans la durée !
L'intersyndicale appelle à une semaine d’actions du 5 au 9 février et s'engage dans la préparation d’un rebond fort et durable dès le mois de mars.https://t.co/0JcO7b3ICY pic.twitter.com/m4ZvPKJQ3d
L'éducation concrète comme réponse à l'urgence
Les experts s'accordent sur le fait que pour sensibiliser efficacement à l'environnement, il faut ancrer l'apprentissage dans le réel. Depuis les premières années du XXIe siècle, des directives ont été promulguées pour inciter les établissements scolaires à développer des projets éducatifs axés sur le développement durable. Les initiatives varient en fonction du contexte de chaque structure éducative, notamment selon la volonté et le degré d'implication du personnel enseignant.
Benjamin Gentils, acteur clé de La Fabrique des communs pédagogiques, plaide pour une éducation plus tangible. Il mentionne un exemple récent où des élèves ont mesuré la pollution locale par le biais d'un capteur, en vue de comparer ces données à celles d'une région montagneuse. Cette approche scientifique concrétise les problèmes environnementaux et relie les élèves aux contenus programmatiques.
Dans l'académie de Poitiers, l'engouement pour l'éducation à la nature prend de l'ampleur : près de 14 000 élèves se voient offrir une expérience d'apprentissage en plein air. Un "kit nature" a été développé comprenant un équipement basique pour faciliter cette pratique pédagogique en extérieur.
Un besoin de formation adéquate pour les enseignants
La compétence pour traiter des enjeux climatiques en classe et pour organiser des projets pédagogiques dépend fortement des connaissances des professeurs. Selon le rapport de Pasquini et Melchior, le système actuel ne fournit pas suffisamment de ressources en termes de formation initiale et continue. Dans le primaire, la majorité des enseignants manquent d'une formation en sciences pour aborder de tels sujets avec assurance. Un appel à une formation enrichie de la part des professionnels se fait sentir.
Il est essentiel que l'ensemble des enseignants, quelle que soit la matière enseignée, se sentent aptes à intégrer le sujet du changement climatique dans leur programme, avance Anne-Françoise Gibert. Le ministère prévoit d'inclure cette thématique dans les cours de technologie et d'enseignement moral et civique à partir de la rentrée 2024.
En sensibilisant les jeunes dès leur plus âge, l'objectif est triple : faire face à l'augmentation de l'éco-anxiété chez les jeunes, contrecarrer la désinformation sur le climat qui prolifère en ligne et de préparer les futurs citoyens à prendre des décisions responsables pour la planète.
Source image : https://app.leonardo.ai/ai-generations