La lutte contre le réchauffement climatique a suscité une multitude de propositions économiques, dont la création d'une taxe carbone. Elle repose sur la notion mise en avant dès le début du XXe siècle par Arthur Cecil Pigou, lequel prônait l'idée que les pollueurs devraient payer pour les coûts sociaux de leurs émissions. Une théorie qui se matérialise par l'augmentation du prix des biens à forte empreinte carbone, dans le but de freiner leur production et de privilégier les bénéfices environnementaux.
En France, sous l'influence de Brice Lalonde et Yves Martin, fervents défenseurs de la taxe carbone, des réflexions sur une imposition liée au carbone voient le jour à la fin des années 80. Ces délibérations se cristallisent lors de la conférence de La Haye de 1989, un événement co-organisé par la France, qui promeut la gestion mondiale de l'atmosphère.
Suivant ces discussions, la France introduit un mémorandum à la Commission européenne, et bientôt l'écotaxe gagne l'adhésion de l'Europe. La taxe carbone semblait alors être sur un bon chemin, avec pour objectif d'être présentée au Sommet de la Terre à Rio en 1992.
Les entraves industrielles à l'adoption de l'écotaxe
La progression de l'écotaxe se trouve contrecarrée par d’importantes forces industrielles, notamment par la société Elf Aquitaine, sous la houlette de Loïc Le Floch-Prigent. Une intense campagne de lobbying se met en place, parsemée de corruption et d'influence sur les décideurs politiques, avec pour leitmotiv la préservation de la compétitivité et de l'emploi au détriment de l'écotaxe.
La voix de Dominique Strauss-Kahn, alors ministre de l'Industrie et du Commerce extérieur, s'avère prédominante, réussissant à différer l'adoption de l'écotaxe. Cette dernière perd peu à peu du terrain, subissant de surcroit l'inaction européenne et revirements politiques internationaux.
Le renouveau et le déclin de la taxe carbone en France
Il faut attendre 2006 pour que la taxe carbone refasse surface au niveau national, notamment grâce au Pacte écologique de Nicolas Hulot. Après l'élection de Nicolas Sarkozy, qui avait signé ce pacte, la proposition de la taxe refait surface, et Michel Rocard présente un rapport visant à instaurer une "contribution climat énergie". Malgré l'apparent consensus parmi les experts, l'opinion publique reste largement défavorable à la taxe, approfondissant le fossé entre les recommandations environnementales et leur réception par la société.
La taxe réapparaît sous François Hollande, mais à un taux bien en dessous de celui préconisé initialement. Son augmentation suscite un mécontentement croissant qui culminera avec le mouvement des Gilets jaunes, forçant le gouvernement à suspendre la hausse de la taxe.
La taxe carbone : un avenir européen?
La taxe carbone n'est pas un dossier clos et elle pourrait bénéficier d’un renouveau, notamment à travers des initiatives européennes comme le Mécanisme d'ajustement carbone aux frontières intégré au Pacte Vert. Cette perspective y apparaît comme essentielle pour maintenir la lutte contre le changement climatique.
Toutefois, son avenir reste incertain, entre nécessité écologique et résistances multiples. Seul le temps nous dira si la taxe carbone parviendra à s'imposer comme un instrument clé de la politique environnementale, tant au niveau français qu'européen.
'Les difficultés rencontrées par la fiscalité carbone, des débuts prometteurs à un parcours semé d'embûches, reflètent la complexité de mettre en œuvre des politiques environnementales à la fois effectives et populaires. Cet écart entre les théories économiques concernant la tarification du carbone et leur concrétisation dans les politiques publiques souligne les nombreux challenges à surmonter pour lutter efficacement contre le changement climatique.' - Émission 'Les ratés du climat' sur franceinfo.Source image : https://app.leonardo.ai/